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La terre est ma patrie et l'humanité, ma famille

recueuils

Philippe Séguin

Philippe SéguinPhilippe Séguin

Homme politique français (Tunis 1943-Paris 2010).

Élève de l'ENA, il entre à la Cour des Comptes en 1970. Après un passage au secrétariat général de la présidence de la République sous la présidence de Georges Pompidou en 1973-1974, il est chargé de mission au cabinet du Premier ministre Raymond Barre (1977-1978). Membre du Rassemblement pour la République (RPR), il est député des Vosges de 1978 à 2002 et maire d'Épinal de 1983 à 1997. Devenu ministre des Affaires sociales et de l'Emploi dans le gouvernement de cohabitation de Jacques Chirac (1986-1988), il fait voter la suppression de l'autorisation administrative de licenciement. Il incarnera dès lors, tout au long de sa carrière, le gaullisme social. Membre du secrétariat national du RPR depuis 1984, il manifeste ses désaccords à la fronde des rénovateurs emmenée, en 1989, par Michel Noir, Alain Carignon, Michel Barnier et quelques autres et se rapproche de Charles Pasqua pour fonder, en 1990, un courant minoritaire afin de contrer la dérive libérale et européenne du parti face à l'axe majoritaire Juppé-Chirac. En 1992, lors de la campagne pour le référendum sur le traité de Maastricht, P. Séguin revendique, l'héritage gaulliste et prend la tête du « non », contre une majorité de son propre camp.

Après la victoire de la droite aux élections législatives d'avril 1993, il devient président de l'Assemblée nationale. À ce poste jusqu'en 1997, il se montre un ardent défenseur de l'autonomie des parlementaires face au gouvernement. En 1995, il prend une part active à la campagne présidentielle de J. Chirac et apparaît comme l'un des inspirateurs du thème de la « fracture sociale », avant de prendre ses distances avec l'ancien chef de l'État. Élu à la présidence du RPR en 1997 en remplacement d'Alain Juppé, il démissionne brusquement en avril 1999 et ne réapparaît sur le devant de la scène politique qu'à l'occasion des élections municipales de 2001 : candidat à la mairie de Paris, il échoue face à Bertrand Delanoë. Désigné premier président de la Cour des Comptes en 2004, il engage une

 

Edouard Balladur

 


Édouard BalladurÉdouard Balladur

Homme politique français (Izmir, Turquie, 1929).

Maître des requêtes au Conseil d'État, il entre en 1964 au cabinet de Georges Pompidou et devient en 1969 secrétaire général adjoint puis, en 1974, secrétaire général de la présidence de la République. Administrateur d'organismes publics et de sociétés privées, il devient le principal conseiller économique de Jacques Chirac. Conseiller d'État en 1984, ministre de l'Économie, des Finances et de la Privatisation de 1986 à 1988, il mène à bien la privatisation de plusieurs entreprises nationalisées. Élu député de Paris en 1986 (réélu en 1988,1993, 1995 et 1997), il est Premier ministre de 1993 à 1995, appelé à diriger le deuxième gouvernement de cohabitation. Candidat à l'élection présidentielle de 1995, il recueille au premier tour 18,5 % des suffrages exprimés, étant devancé par Lionel Jospin et par J. Chirac (à qui il apporte son soutien au second tour). En juillet 2007, il est chargé par le président Nicolas Sarkozy de présider le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions. Il est l'auteur de plusieurs essais, dont : Je crois en l'homme plus qu'en l'État (1987), Dictionnaire de la réforme (1992), l'Avenir de la différence (1999).

Jacques Chirac

Jacques ChiracJacques Chirac

Homme d'État français (Paris 1932).

1. Une ascension ministérielle exemplaire

De racines provinciales (sa famille est implantée en Corrèze depuis près de trois siècles) et républicaines (ses deux grands-pères sont instituteurs), Jacques Chirac prend goût à la politique lors de ses études à Sciences-Po. Après avoir intégré l'ENA, il accomplit son service militaire pendant la guerre d'Algérie comme officier de réserve dans une unité combattante (1956-1958). Il est profondément marqué par cette expérience, au cours de laquelle il découvre son ascendant sur les hommes, au point qu'il envisage d'embrasser la carrière militaire.

Sorti dixième de l'ENA, il entre à la Cour des comptes en 1959, mais dès 1962 opte très vite pour la politique en devenant membre du cabinet du Premier ministre Georges Pompidou, dont il devient l’un des principaux collaborateurs. Son premier engagement électoral en Corrèze en mars 1967 – où il s'empare du fief radical-socialiste d'Henri Queuille et où il sera constamment réélu – lui vaut le secrétariat d'État aux Affaires sociales (1967), puis le secrétariat d'État à l'Économie et aux Finances (1968-1971). Il joue un rôle important lors des accords de Grenelle pendant les événements de mai 1968 et, au lendemain de l'élection de Georges Pompidou à la présidence de la République (1969), il est nommé ministre des Relations avec le Parlement (1971), puis ministre de l'Agriculture (1972) : il se taille alors une réputation auprès du monde paysan par sa pugnacité lors des négociations relatives à la politique agricole commune de la CEE.

Ministre de l'Intérieur en mars 1974, il soutient, après la mort de Georges Pompidou, la candidature du centriste libéral Valéry Giscard d'Estaing à la présidence de la République contre celle du « gaulliste historique » Jacques Chaban-Delmas et devient Premier ministre en 1974. Mais les caractères des deux hommes sont très différents, ce qui rend leur collaboration de plus en plus difficile, et Jacques Chirac démissionne en 1976.

Parallèlement, il joue un rôle de premier plan au sein de l'Union des démocrates pour la République (UDR), qu'il transforme en Rassemblement pour la République (RPR), et dont il devient président (1976).

2. Le leader du RPR à la mairie de Paris

L'année suivante, Jacques Chirac est élu maire de Paris, contre le candidat giscardien, Michel d'Ornano. Pendant dix-huit ans – puisqu'il est réélu en 1983 et en 1989 – il va faire de l'hôtel de ville de la capitale une véritable « machine de guerre » au service de son parti et de son ambition. Il se présente sans succès à l'élection présidentielle de 1981 contre François Mitterrand et s'affirme comme un opposant résolu du pouvoir socialiste.

Après la victoire du RPR aux élections législatives de mars 1986, il devient Premier ministre du gouvernement de « cohabitation ».

Il s'emploie à redresser les comptes publics et mène une politique d'inspiration libérale, mais sa popularité s'amenuise à l'épreuve du pouvoir. Il est contraint de démissionner en mai 1988, à la suite de sa défaite face à François Mitterrand lors du second tour de l'élection présidentielle. Il retrouve cependant dès le mois de juin suivant son siège de député de la Corrèze (qu'il conservera en 1993) et redevient, malgré quelques contestations internes vite avortées, le leader naturel de l'opposition au gouvernement socialiste.

Soucieux de ne pas répéter l'erreur de 1986, il laisse son fidèle allié Édouard Balladur former le deuxième gouvernement de cohabitation issu des élections législatives de 1993. Mais les liens entre les deux hommes se distendent à mesure que la popularité d’Édouard Balladur croît et flatte des ambitions présidentielles. Dans la perspective du scrutin de 1995, celui-ci rallie autour de sa personne nombre de ténors de la majorité législative, contraignant son « ami de trente ans » à un isolement forcé.

3. À la présidence de la République

3.1. Un septennat affaibli par la cohabitation et les « affaires »

Anniversaire de la rafle du Vél' d'Hiv, 1995Anniversaire de la rafle du Vél' d'Hiv, 1995

Se portant, dès novembre 1994, candidat à l'élection présidentielle de 1995, Jacques Chirac engage une longue campagne sur le thème de la réduction de la fracture sociale (thème de ses essais Une Nouvelle France, 1994, et la France pour tous, 1995). Donné perdant au départ, il mène une campagne dynamique dénonçant « la pensée unique » et proposant « une autre politique ».

Il parvient à devancer Édouard Balladur au premier tour et l'emporte sur le candidat de la gauche unie Lionel Jospin au second (7 mai 1995) avec 52,64 % des suffrages exprimés. Il nomme au poste de Premier ministre, Alain Juppé, dont la politique de rigueur très éloignée des thèmes de la campagne vaut à celui-ci une grande impopularité (grandes grèves de décembre 1995 sur la réforme des régimes spéciaux de la Sécurité sociale, de fait repoussée).

À la surprise générale, le Président procède à la dissolution de l'Assemblée nationale (avril 1997), mais perd son pari : la gauche remporte les élections législatives, et Jacques Chirac est contraint d'appeler son ancien rival, Lionel Jospin, à la tête du gouvernement. Cette cohabitation – la plus longue de l'histoire de la Ve République – affaiblit la fonction présidentielle et dégrade l'image personnelle de Jacques Chirac.

Jacques Chirac et Lionel JospinJacques Chirac et Lionel Jospin

Le Premier ministre apparaît comme le véritable chef de l'exécutif et les « affaires » de la mairie de Paris (liées notamment à des emplois fictifs et des détournements de fonds au profit du RPR), dont la justice s'est saisie, compliquent la situation politique.

Tenu à une stricte fonction présidentielle, Jacques Chirac sillonne le monde en se faisant l'avocat des performances industrielles françaises et le garant de la francophonie – il est à l'origine de la fondation de l'Organisation internationale pour la francophonie (OIF). Sur le territoire national, il assiste, impuissant, aux crises qui secouent les différents partis d'opposition et se pose en observateur, parfois caustique, des réformes du gouvernement de gauche plurielle en place (notamment sur l'adoption des 35 heures). Il se garde cependant de contrecarrer trop visiblement la politique du gouvernement et d'envenimer la cohabitation, et bénéficie toujours d'une forte popularité.

3.2. Un quinquennat contrasté

Candidat à sa réélection en 2002, Jacques Chirac n'obtient que 19,85 % des voix à l'issue d'un premier tour marqué par une très forte abstention, et doit affronter au second tour Jean-Marie Le Pen, dont les suffrages acquis au premier tour ont été supérieurs à ceux du candidat socialiste Lionel Jospin. Face au président du Front national, il bénéficie d'un remarquable élan républicain contre l’extrême droite et du report massif des voix de gauche. Il est réélu le 5 mai 2002 avec le score historique de 82,22 % des suffrages.

Au début de son second mandat, Jacques Chirac marque sa volonté de peser sur la conduite des affaires intérieures en fixant les orientations que doit mettre en œuvre son Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, et en parachevant l'établissement de l'UMP, grand parti politique de la droite et du centre.

Groupe des 7, sommet de Denver, 1997Groupe des 7, sommet de Denver, 1997

Par ailleurs, il s'implique fortement sur la scène diplomatique internationale en s'opposant à la logique de guerre et à l'ultimatum des États-Unis à l'encontre de l'Iraq de Saddam Husayn, et, au-delà du cas irakien, en refusant l'ordre unipolaire et unilatéral imposé par Washington.

Mais alors que cette initiative lui vaut le soutien de l'opinion publique nationale, voire internationale, il doit faire face à l’échec du référendum sur l'approbation du traité constitutionnel européen (29 mai 2005). Le chef de l'État est alors conduit à remplacer à Matignon Jean-Pierre Raffarin par Dominique de Villepin, et à réintégrer dans l'équipe de ce dernier Nicolas Sarkozy – écarté un an plus tôt des responsabilités ministérielles en raison des ambitions présidentielles qu’il affiche à la tête de l'UMP. En mars 2007, Jacques Chirac annonce sa décision de ne pas briguer un troisième mandat.

 

Chronologie
  • 1976 Démission de J. Chirac du poste de Premier ministre ; R. Barre lui succède (août).
  • 1986 Victoire de la droite aux élections législatives en France.
  • 1986 À l'automne, manifestations étudiantes en France contre le projet Devaquet sur l'enseignement supérieur (autonomie des universités).
  • 1987 Troubles en Nouvelle-Calédonie.
  • 1995 Jacques Chirac est élu président de la République française.
  • 1995-1996 Attentats du Groupe islamique armé (G.I.A.) en France.
  • 1995 Vague de grèves en France ; manifestations contre le plan Juppé de réforme de la Sécurité sociale (décembre).
  • 1997 L. Jospin est nommé Premier ministre, c'est le début de la troisième cohabitation.
  • 1998 Loi limitant la durée hebdomadaire du travail à 35 heures en France (février).
  • 2002 Jacques Chirac est réélu à la présidence de la République (5 mai) .

 

 

RPR

sigle de Rassemblement pour la République

Jacques_Chirac

 Jacques Chirac

Parti politique français constitué en décembre 1976 sous l'impulsion de Jacques Chirac (qui en a été le président de 1976 à 1994), en remplacement de l'Union des démocrates pour la République (UDR), dans le but de rénover le mouvement gaulliste.

Prenant ses distances vis-à-vis du gouvernement d'inspiration giscardienne, le RPR soutient la candidature de Jacques Chirac à l'élection présidentielle de mai 1981. Après la défaite de Valéry Giscard d'Estaing et l'arrivée au pouvoir des socialistes, le RPR joue un rôle majeur au sein de la nouvelle opposition, prônant à nouveau l'union avec les giscardiens et les centristes.

Édouard_Balladur

Édouard Balladur

Aux élections législatives de mars 1986, le RPR et l'Union pour la démocratie française (UDF) reconquièrent la majorité : François Mitterrand nomme Jacques Chirac Premier ministre, et les principaux portefeuilles sont attribués aux responsables du parti.

Mais en 1988, après la réélection de François Mitterrand (qui bat, au second tour, Jacques Chirac) à la présidence de la République et le retour d'une majorité (relative) socialiste à l'Assemblée, le RPR repasse dans l'opposition. Aux élections européennes de juin 1989, la liste commune UDF-RPR arrive en tête, devant la liste socialiste. En 1993, le RPR et l'UDF, alliés au sein de l'UPF (Union pour la France) remportent les élections législatives et constituent un deuxième gouvernement de cohabitation, dirigé par Édouard Balladur.

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Alain Juppé

Après les élections européennes de juin 1994, marquées par un affaiblissement de la liste RPR-UDF, le parti est dominé par la rivalité entre Jacques Chirac et Édouard Balladur qui sont tous deux candidats à l'élection présidentielle de 1995. Jacques Chirac, soutenu au second tour par Édouard Balladur, est élu président de la République (7 mai) face à Lionel Jospin. Il nomme alors Alain Juppé à la tête du gouvernement. Ce dernier est élu en octobre à la présidence du RPR.

À nouveau dans l'opposition à la suite des élections législatives anticipées de 1997, le RPR est présidé, depuis le mois de juillet de la même année, par Philippe Séguin. Après la démission de ce dernier en avril 1999, Nicolas Sarkozy devient secrétaire général et président par intérim.

Aux élections européennes de juin 1999, la liste commune RPR-DL essuie une grave défaite obtenant moins de 13 % des suffrages : Nicolas Sarkozy quitte la présidence intérimaire (juin), puis cesse d'exercer ses fonctions de secrétaire général (octobre). En décembre 1999, Michèle Alliot-Marie est élue présidente du RPR. Affaibli par des querelles de personnes, le RPR voit lui échapper son fief parisien aux municipales de 2001.

Au premier tour de l'élection présidentielle de 2002, marqué par l'abstention et la poussée des votes contestataires (Front national et partis trotskistes), Jacques Chirac, bien qu'arrivé en tête, réalise un score médiocre (19,88 %). Conscient de cette faiblesse, mais anticipant un vote massif en sa faveur au second tour qui va l'opposer à Jean-Marie Le Pen, il tente d'imposer le regroupement des forces de droite et du centre droit au sein d'une alliance électorale, préfiguration d'un nouveau parti, l'Union pour la majorité présidentielle (UMP). Les résultats obtenus lors des élections législatives de juin 2002 confortent la stratégie du chef de l'État. À elle seule, l'UMP recueille 33,37 % des voix au premier tour et s'assure la majorité absolue à l'Assemblée (355 sièges). En septembre 2002, des assises extraordinaires consacrent la fusion du parti gaulliste au sein de l'Union pour un mouvement populaire (UMP)

 

Nicolas Sarközy de Nagy-Bocsa, dit Nicolas Sarkozy

Nicolas_SarkozyNicolas Sarkozy

Homme d'État français (Paris 1955).

1. Entre succès électoraux et brèves traversées du désert

Issu par son père d’une famille de la petite noblesse hongroise, Nicolas Sarkozy grandit à Paris puis à Neuilly-sur-Seine. Avocat de formation, il s’engage au sein du Rassemblement pour la République (RPR) de Jacques Chirac dès sa création, en 1976, et prend la tête du comité national des jeunes en soutien à Jacques Chirac pour l'élection présidentielle de 1981.

Il bâtit avec succès une carrière électorale enracinée dans le département des Hauts-de-Seine : maire de Neuilly-sur-Seine dès 1983 (et jusqu’en 2002), il est député des Hauts-de-Seine (1988-1993, 1995-2002) et président du Conseil général (2004-2007).

Jeune ministre du Budget (1993-1995), il se révèle un habile porte-parole (1994-1995) du gouvernement d'Édouard Balladur. Dans la perspective de l’élection présidentielle de 1995, il met fin à son long compagnonnage avec J. Chirac pour s’engager auprès de É. Balladur, dont il devient le directeur de campagne. J. Chirac ayant été élu, N. Sarkozy multiplie, en vain, les initiatives pour regagner ses faveurs.

Sa mise à l’écart prend fin à la suite de la victoire de la gauche aux élections législatives anticipées de 1997. N. Sarkozy parvient à partager avec Philippe Séguin le secrétariat général du RPR (1998-1999), avant d’en devenir le président par intérim (avril-octobre 1999). Mais il est contraint de démissionner après la défaite sévère de la liste réunissant le RPR à Démocratie libérale d’Alain Madelin aux élections européennes de juin 1999, il rejoint son cabinet d'avocats et entame une nouvelle « traversée du désert » politique.

2. Le leader incontesté de l’UMP

Nicolas_Sarkozy1

Nicolas Sarkozy

Remis en selle par les élections de 2002, N. Sarkozy est jugé trop droitier par J. Chirac, qui lui préfère Jean-Pierre Raffarin pour mener le gouvernement. Tandis que la campagne électorale a été dominée par le thème de l’insécurité, il se voit octroyer le stratégique ministère de l'Intérieur (2002-2004). Affichant son volontarisme et sa culture du résultat avec force médiatisation (notamment en matière de lutte contre la délinquance et dans le domaine de la sécurité routière), il bénéficie d’un solide crédit dans l'opinion.

Nommé ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie en mars 2004, il quitte le gouvernement neuf mois plus tard afin de prendre les rênes de l'Union pour un mouvement populaire (UMP) – grand parti de la droite et du centre formé en 2002 autour du RPR et de la plupart des composantes de l'Union pour la démocratie française (UDF). Il retrouve cependant le portefeuille de l'Intérieur lors de la formation du gouvernement dirigé par Dominique de Villepin, en mai 2005 ; à ce poste, il engage notamment une réforme de la législation de l’immigration et prône la « tolérance zéro » lors des émeutes urbaines qui enflamment de nombreuses banlieues françaises à l’automne 2005.

Seul candidat de l'UMP à succéder à J. Chirac à la présidence de la République en 2007, il se fait le chantre de la « rupture tranquille » et met en avant les valeurs du travail, de l’autorité et du mérite. Élu le 6 mai 2007 avec 53,06 % des suffrages contre la socialiste Ségolène Royal, il dispose à partir de juin d'une confortable majorité à l'Assemblée.

3. Un président sur tous les fronts

Le président Sarkozy nomme François Fillon au poste de Premier ministre et promeut un gouvernement ouvert à des personnalités de gauche (notamment Bernard Kouchner aux Affaires étrangères), alors même que son programme politique est d'inspiration néolibérale.

Très actif sur la scène internationale, le président Sarkozy resserre les liens de la France avec les États-Unis. En Europe, après le rejet par référendum, en 2005, du traité établissant une Constitution pour l’Europe, il s'emploie à faire valider l'idée d'un « traité simplifié », dont il fait ratifier le texte, adopté à Lisbonne (décembre 2007), par voie parlementaire en février 2008.

L'état de grâce de « l'hyper actif » président ne survit guère au tournant de 2008, comme en témoigne la sanction de son parti aux élections municipales et cantonales de mars.

Toutefois, son action en tant que président en exercice de l'Union européenne de juillet à décembre (adoption d'un pacte sur l'immigration, lancement de l'Union pour la Méditerranée, gestion de la crise russo-géorgienne, bilan de la politique agricole commune (PAC), renforcement de la politique de défense et de sécurité, plan de lutte contre le réchauffement climatique…) lui valent un net regain de popularité. Tout comme ses premières initiatives face à la crise financière américaine qui, dès la fin de l'été, déstabilise les économies du Vieux Continent : appel à une nouvelle régulation du capitalisme et à la concertation internationale et européenne, mesures d'urgence en faveur des banques et des secteurs fragilisés, plan de relance.

Gestionnaire habile du calendrier politique, il fait adopter par le Congrès son projet de réforme de la Constitution (juillet 2008) et officialise la pleine et entière réintégration de la France dans l'OTAN (mars 2009).

4. Face à la montée de l'impopularité

Début 2009 cependant, à mesure que la crise financière internationale se mue en grave dépression, le président Sarkozy doit faire face à d'amples mouvements de mécontentement social dans les départements d'outre-mer comme en métropole. Il négocie un compromis avec les leaders syndicaux des Antilles mais table, non sans succès, sur le pourrissement des autres conflits et parvient à poursuivre le rythme des réformes. Il profite de l’accès de faiblesse de ses adversaires socialistes divisés et en panne de projet aux élections européennes de juin 2009. L' arrivée en tête d’une UMP bien que dépourvue de véritables réserves de voix a valeur de satisfecit.

À l’automne 2009, une série d’affaires (grogne de la majorité à propos de la réforme des collectivités territoriales et de la taxe carbone, tentative de placer son fils, Jean Sarkozy, à la tête du conseil d'administration de l’Établissement public pour l'aménagement de la région de la Défense, gestion de la pandémie de grippe A H1N1, etc.) ternit toutefois l’aura du président. Confronté à la très lourde sanction des urnes lors des régionales de mars 2010, il s’emploie à recadrer à la fois son image et son action.

5. Une fin de mandat difficile

Désireux d’apaiser les marchés, inquiets du niveau du déficit et de la dette publique de la France, N. Sarkozy décide d’ouvrir le chantier des retraites, abrogeant le droit au départ à 60 ans, allongeant les cotisations et modifiant son assise – non sans susciter d’amples mouvements de protestation nourris par ailleurs par des scandales qui éclaboussent l’exécutif (affaires Karachi et Bettencourt notamment). Une fois le projet adopté à l’automne, le président Sarkozy remanie le gouvernement, confirmant F. Fillon à sa tête, et le recentrant autour des poids lourds, notamment ex-RPR. Les centristes et les figures de la diversité sont débarqués, cependant qu'Alain Juppé fait un retour remarqué, à la Défense, puis, à la fin février 2011, au Quai d’Orsay.

L'intervention de la France, voulue par N. Sarkozy, en Libye puis en Côte d’Ivoire et enfin, son activisme au chevet de l’Union européenne, proie des marchés dès l’été, ne semblent guère de nature à redresser sa cote de popularité ; en témoignent les élections cantonales de fin mars, désastreuses pour la majorité, puis le basculement consécutif et historique du Sénat à gauche en septembre, ou le succès des primaires citoyennes organisées en octobre par le parti socialiste et qui installent François Hollande comme potentiel principal adversaire.

La dégradation de la note de la France par l’agence financière Standard & Poor’s en janvier 2012 et l’aggravation de la crise de l’euro ne permettent pas au président sortant de compenser par un bilan incontestable une impopularité en définitive solidement et durablement ancrée dans le pays. Entré tardivement en campagne (à la mi-février), il droitise très nettement son discours et s’emploie à cliver l’électorat. Cette stratégie ne parvient toutefois pas à réitérer l’exploit de 2007 et à « siphonner » les voix du Front national, bien au contraire. Premier titulaire de la fonction à n’arriver que deuxième au premier tour, il perd 4 points par rapport au précédent scrutin, avec 27,18 % des suffrages, contre 28,63 %pour F. Hollande. M. Le Pen fait un score historique (17,90 %). Soucieux de rassembler derrière sa personne et son programme les partisans de cette dernière, il accentue dès lors la ligne politique très radicale adoptée pendant la campagne, sans pour autant obtenir le soutien des leaders de l’extrême droite. Au contraire, ce faisant, il s’aliène une partie de l’électorat centriste, à l’instar d’un François Bayrou qui se prononce personnellement en faveur du candidat socialiste. Bien que plus serré qu'annoncé par les instituts de sondages, le résultat du 6 mai 2012 consacre sa défaite : avec 48,3 % des suffrages, le président sortant est battu par F. Hollande, qui le devance de plus de 3 points. N. Sarkozy fait alors connaître son intention de se retirer de la scène politique nationale. Définitivement ?

6. Retraite ou recours ?

Après la passation des pouvoirs, l’ancien président s’impose le silence, qu’il ne rompt qu’au début du mois d’août pour appeler la communauté internationale à l’intervention en Syrie et fustiger ce qu’il dessine en filigrane comme l’inaction en ce domaine de son successeur. Sollicité pour des conférences de par le monde, il s’abstient publiquement de tout commentaire sur l’état de la France. Mais il ne se désintéresse pas pour autant de la scène politique nationale, manœuvrant de toute évidence en sous-main dans l’affrontement qui oppose F. Fillon et J.-F. Copé pour prendre les rênes de l’UMP en novembre. Impuissant à trouver un compromis entre les deux prétendants à sa succession à la tête de la grande formation de droite, il laisse toutefois entendre qu’il pourrait reprendre du service comme recours, pour contrer les visées d’un Front national de plus en plus influent. Mais les affaires qui l’entourent désormais (sondages de l’Élysée, Karachi, financement de la campagne 2007, Tapie) et le principe de primaires obtenu par son ancien Premier ministre en avril en vue des élections présidentielles de 2017 pourraient faire obstacle à ses ambitions.

 

Organisation de Libération de la Palestine OLP

Conseil_national_de_lOLP_Alger_1988

Conseil national de l'O.L.P., Alger, 1988

Organisation palestinienne fondée en 1964 par le Conseil national palestinien réuni à Jérusalem-Est (Jordanie), avec pour but initial la libération de la Palestine.

1. Origines

Créée dans le cadre de la Ligue arabe et présidée par Ahmad Chuqayri, l'OLP adopte une charte prévoyant que l'union des deux rives du Jourdain ne sera pas remise en cause. Elle décide de se doter d'une armée régulière, l'Armée de libération de la Palestine (APL).

Étroitement contrôlée par les États arabes, l'OLP de Chuqayri s'effondre après la défaite arabe de juin 1967 (guerre des Six-Jours). Dès lors, de nouveaux courants s'imposent – tels le Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP), créé en 1967 et dirigé par Georges Habache, et le Fatah (Mouvement de libération nationale de la Palestine), né clandestinement dans les années 1950 et dirigé par Yasir Arafat. Ces deux courants reflètent l'arrivée à l'âge adulte de la « génération des camps » de réfugiés. En 1968, le Fatah et d'autres mouvements de commandos entrent en force au sein du Conseil national palestinien, le « Parlement » de l'OLP.

Révisée en juillet 1968, la charte de l'OLP met désormais l'accent sur la destruction d'Israël, la libération totale de la Palestine dans ses frontières mandataires et le développement de la lutte armée. Yasir Arafat, porté à la présidence du Comité exécutif de l'organisation (1969), y sera régulièrement réélu par la suite. D'autres organisations armées participent également aux institutions de l'OLP : la Saïqa, créée par la Syrie en 1968, ou le Front de libération arabe, suscité par l'Iraq en 1969.

2. La lutte armée

L'OLP utilise les pays limitrophes d'Israël comme bases arrière de sa lutte de libération nationale. Mais cette présence est déstabilisante pour certains régimes qui redoutent tant les ingérences des organisations palestiniennes dans la vie politique intérieure que les représailles d'Israël aux actions des commandos.

En Syrie, les activités des fedayin sont étroitement contrôlées dès mai 1969. En Jordanie, l'antagonisme qui se développe entre les intérêts du souverain hachémite et l'OLP, devenue un État dans l'État, conduit aux affrontements sanglants de 1970-1971, au regain du terrorisme avec la naissance de l'organisation Septembre noir et, enfin, à l'expulsion des organisations palestiniennes (1971).

La lutte armée se déplace au Liban, où les fedayin font alliance avec les forces progressistes locales et sont à l'origine de la guerre civile libanaise (1975-1990).

La victoire partielle de l'offensive arabe lors de la quatrième guerre israélo-arabe (octobre 1973) amène l'OLP à modifier sensiblement sa stratégie dans le sens de la modération. L'organisation se prononce désormais sur l'établissement, à côté d'Israël, d'un État palestinien en Cisjordanie et à Gaza. Cette solution de compromis, fondée sur l'acception de l'existence d'Israël, provoque un vif débat au sein des diverses composantes de l'OLP. En décembre 1973, le FPLP de Georges Habache refuse l'établissement d'un « mini-État » palestinien sur la rive occidentale du Jourdain. En juillet 1974, le Front démocratique de libération de la Palestine (FDLP), créé en février 1969 par Nayaf Hawatmi, se retire du Comité exécutif de l'OLP et constitue avec d'autres mouvements le Front du refus, qui conteste la politique de Yasir Arafat. Cette dissidence prendra fin en décembre 1977. Par ailleurs, le groupe sécessionniste Fatah-Commandement révolutionnaire d'Abu Nidal, exclu de l'OLP en 1974, s'attaque à partir de 1978 à des représentants de l'OLP, à ceux d'Israël ou à des établissements juifs en Europe et au Liban.

3. La reconnaissance internationale

Dans le même temps, l'aggiornamento de l'OLP contribue à sa reconnaissance rapide par la communauté internationale.

Lors de la conférence arabe d'Alger (novembre 1973), l'organisation est reconnue comme l'unique représentant légitime du peuple palestinien. En 1974, le droit à l'autodétermination des Palestiniens et la représentativité de l'OLP sont proclamés tour à tour par la conférence des États islamiques (février), l'Organisation de l'unité africaine (juin), la conférence des chefs d'États arabes de Rabat (28 octobre) et l'Assemblée générale des Nations unies (22 novembre), qui souligne le droit au retour et à l'indemnisation des réfugiés palestiniens et invite l'OLP à participer comme observateur à ses débats. Devenue membre à part entière du mouvement des non-alignés en 1975, l'OLP est admise au sein de la Ligue arabe avec tous les droits d'un État membre en septembre 1976. Elle est par ailleurs reconnue par une centaine d'États.

La visite de Sadate à Jérusalem (novembre 1977) et le processus de paix qui s'engage entre l'Égypte et Israël (accords de Camp-David en septembre 1978, traité israélo-égyptien en mars 1979) exposent l'OLP à des pressions multiples : de certains États (Libye et Syrie), du Front de la fermeté constitué en décembre 1977 et, surtout, d'Israël, où l'arrivée au pouvoir de Menahem Begin se traduit par un durcissement dans les territoires occupés, par un processus annexionniste (Jérusalem en août 1980, le Golan en décembre 1981), ainsi que par la volonté de réduire militairement les organisations palestiniennes (invasion du Liban-Sud en mars 1978). Le siège de l'OLP est transféré de Beyrouth à Tunis en août 1982.

Les tensions qui opposent Yasir Arafat à la Syrie provoquent, à partir de mai 1983, une grave dissidence au sein de l'OLP et du Fatah : de novembre à décembre, les dissidents palestiniens, appuyés par les Syriens, lancent une grande offensive contre Yasir Arafat et ses partisans réfugiés à Tripoli, contraignant ceux-ci à quitter la ville.

Le rapprochement d'Arafat avec l'Égypte (décembre 1983) et avec la Jordanie (février 1984) accroît encore les tensions au sein l'OLP. Pourtant, reconduit à la tête de l'organisation en novembre 1984, Arafat parvient au prix de certaines concessions à réunifier son mouvement tout en évitant la rupture avec les pays arabes modérés. En juin 1988, lors du sommet extraordinaire de la Ligue arabe, réuni à Alger pour soutenir le soulèvement populaire palestinien (→ Intifada) qui agite, depuis décembre 1987, les territoires occupés par Israël, l'OLP se voit confortée dans son rôle de seul et unique représentant du peuple palestinien. En novembre, elle proclame la création d'un État palestinien – faisant référence à la résolution 181 de l'ONU (novembre 1947) partageant la Palestine – et accepte, en contrepartie, les conditions des États-Unis : la reconnaissance du droit de l'État d'Israël à la sécurité et la condamnation du terrorisme. Amorcé en 1989, le dialogue avec les États-Unis est suspendu dès février 1990. Se rapprochant alors de l'Iraq de Saddam Husayn, l'OLP, contrairement à la majorité des pays arabes, ne condamne pas l'invasion du Koweit par l'Iraq et sort très affaiblie du conflit (→ guerre du Golfe).

4. L'Autorité nationale palestinienne (ANP)

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Mahmud Abbas

La signature avec Israël des accords d'Oslo (septembre 1993) qui, outre une reconnaissance mutuelle, instaurent un gouvernement palestinien autonome dans la région de Jéricho et de Gaza, suscite, au sein de l'OLP, l'opposition du FPLP et du FDLP ainsi que la vive contestation des mouvements islamistes Hamas et Djihad islamique. Selon les termes de l'accord du Caire, signé par Yasir Arafat et Yitzhak Rabin (mai 1994), les troupes israéliennes commencent à évacuer la bande de Gaza et la zone de Jéricho, ce qui permet à Yasir Arafat d'installer à Gaza, en juillet, le gouvernement de l'Autorité nationale palestinienne (ANP), qu'il préside. Dès lors, le centre de gravité du mouvement de libération palestinienne passe de l'OLP – marginalisée – vers l'Autorité nationale palestinienne.

Le dernier acte politique marquant de l'OLP est l'abolition, en avril 1996, des articles de la charte refusant l'existence d'Israël. Depuis le décès de Yasir Arafat, survenu en novembre 2004, l'organisation est dirigée par Mahmud Abbas, secrétaire général de l'OLP depuis 1996.

Chronologie
  • 1964 Fondation de l'Organisation de libération de la Palestine (O.L.P.).
  • 1970 Expulsion des combattants palestiniens de Jordanie par les troupes royales (septembre).
  • 1970-1976 Affrontements entre factions libanaises et Palestiniens.
  • 1972 Massacre d'athlètes israéliens par un commando du mouvement palestinien Septembre noir, à l'occasion des jeux Olympiques de Munich.
  • 1973 La conférence arabe d'Alger reconnaît l'Organisation de Libération de la Palestine (O.L.P.) comme l'unique représentant du peuple palestinien.
  • 1987 Début de l'insurrection palestinienne (Intifada) dans les territoires occupés.
  • 1988 Insurrections palestiennes dans les territoires occupés.
  • 1988 L'O.L.P., en acceptant la résolution 242 des Nations unies, reconnaît implicitement l'État d'Israël.
  • 1991 Ouverture de la Conférence de paix sur le Proche-Orient, réunissant Israël, des pays arabes et des Palestiniens.
  • 1993 Reconnaissance mutuelle d'Israël et de l'O.L.P. et signature à Washington des accords d'Oslo prévoyant un régime d'autonomie pour les territoires occupés.

 

 

Muammar al-Kadhafi ou Mouammar al-Quadhafi

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Muammar al-Kadhafi

Homme d'État libyen (Qasr Abu Hadi, près de Syrte, 1942-près de Syrte 2011).

1. Le tombeur du roi Idriss Ier

Fils d'un berger, selon sa propre légende, appartenant à la tribu des Kadhafa, Mouammar Kadhafi reçoit une éducation religieuse traditionnelle, étudie le droit, sort diplômé de l'Académie militaire de Benghazi (1965). Il parfait son entraînement militaire au Royaume-Uni avant de retourner en Libye et d'intégrer, en tant qu'officier, le corps des transmissions (1966). Avec le Groupe des officiers unionistes libres qu'il a fondé (sur le modèle des « officiers libres » égyptiens), il participe, à l'âge de 27 ans, au coup d'État du 1er septembre 1969 qui renverse le roi Idris Ier. Promu président du Conseil du commandement de la révolution (CCR), il devient commandant en chef de l'armée.

2. Le chantre du panarabisme

Admirateur du président égyptien Gamal Abdel Nasser – dont il partage la vision anti-impérialiste et panarabe (→ panarabisme) –, il impose à son pays la nouvelle Constitution de la République arabe libyenne et le parti unique (l'Union socialiste arabe, 1971), mais ses multiples tentatives d'union avec des États arabes (Égypte et Syrie, Tunisie puis à nouveau la Syrie) échoueront l'une après l'autre.

3. Djamahiriyya, comités révolutionnaires, Livre vert

Parallèlement, promu colonel, il engage, à partir de 1973, une « révolution culturelle » qui aboutit, en 1977, à la constitution de la Djamahiriyya arabe libyenne populaire et socialiste. Cette Djamahiriyya (néologisme signifiant « État des masses ») est conçue comme une sorte de démocratie directe régie par la « Charte du pouvoir populaire » (qui se substitue à la Constitution de 1969 abrogée) et gouvernée par le biais de « comités populaires », sous le contrôle étroit de « comités révolutionnaires ».

Renonçant à ses fonctions officielles de secrétaire général du Congrès général du peuple (chef de l'État), Kadhafi s'autoproclame, en 1980, « Guide de la révolution ». Il expose sa théorie de la « révolution culturelle » et anti-bureaucratique qui entend se démarquer du libéralisme et du marxisme, dans Le Livre vert ou « Troisième théorie universelle » (qui paraît pour la première fois en 1975).

4. Le commanditaire du terrorisme

Sur le plan extérieur, le colonel Kadhafi, qui s'est érigé en porte-parole des populations du tiers-monde, pratique l'interventionnisme en mettant une partie de ses rentes pétrolières au service de mouvements d'opposition ou de libération armés en Afrique, au Proche-Orient et en Europe. Ces engagements lui valent, à partir de la seconde moitié des années 1980, l'opposition virulente des États-Unis (raid de représailles sur Tripoli et Benghazi en 1986) ainsi que sa mise au ban des nations, qui l'accusent de parrainer financièrement et de soutenir idéologiquement le terrorisme international. De fait, il cautionne la frappe des intérêts occidentaux comme le démontrent les attentats de Lockerbie en 1988 et du DC-10 d'UTA dans le désert du Ténéré en 1989. Ce qui vaudra la mise sous embargo de son pays, votée par l'Organisation des Nations unies (ONU) en 1992.

5. Le retour en grâce sur la scène internationale

La fin des années 1990 marque un tournant. Privé du soutien du bloc communiste, le chef d'État libyen entame un rapprochement avec l'Occident et cherche à recouvrer une certaine honorabilité au sein de la communauté internationale, multipliant les gages de bonne volonté. Il reconnaît la responsabilité de son pays dans les actes terroristes de 1988-1989. Après le renversement de Saddam Husayn en 2003, il annonce le démantèlement, sous contrôle international, de tous ses programmes secrets d'armement (chimique, biologique et nucléaire).

Paralèllement, le colonel Kadhafi se tourne vers le continent noir, où il veut instaurer des « États-unis d'Afrique », projet utopique loin d’être partagé. En 2009, alors qu'il est élu (sans faire l'unanimité) à la tête de l'Union africaine (UA), il célèbre avec faste ses 40 ans de règne.

Les relations bilatérales se normalisent, avec la France (depuis les visites croisées des deux présidents à Tripoli et à Paris en juillet et décembre 2007) et, surtout, en 2008 et 2009, avec l'Italie, l'ancienne puissance coloniale.

6. La rébellion et la chute

Surpris par la montée de l'insurrection partie de Benghazi en février 2011 dans le sillage des révolutions tunisienne et égyptienne, Mouammar Kadhafi dénonce un complot international. Il oppose une sanglante répression qui entraîne le pays dans la guerre civile. Alors qu'une intervention militaire internationale est autorisée pour la protection des civils, il persiste, isolé au sein du camp arabe, à rejeter toute offre de négociation. Renversé le 23 août, il s'enfuit avec ses partisans tout en lançant ses diatribes. Capturé, il est tué le 20 octobre au cours de l'offensive menée par le Conseil national de transition (CNT) contre Syrte, sa région natale, et dernier bastion encore aux mains de ses partisans.

 

La guerre d'Algérie (1954-1962)

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La guerre d'Algérie, 1954-1962

Conflit qui opposa, en Algérie, les nationalistes algériens au pouvoir d'État français.

La guerre d'Algérie, menée par la France de 1954 à 1962 contre les indépendantistes algériens, prend place dans le mouvement de décolonisation qui affecta les empires occidentaux après la Seconde Guerre mondiale, et notamment les plus grands d'entre eux, les empires français et britannique.

Quand l'insurrection est déclenchée, l'indépendance du Viêt Nam vient d'être arrachée – les forces françaises ont été défaites à Diên Biên Phu, ce qui constitue un encouragement pour tous les peuples colonisés. Quant à l'indépendance des deux protectorats maghrébins, le Maroc et la Tunisie, elle est en cours de négociation.

Cette guerre – que, jusqu'en 1999, l'État français s'obstina à ne désigner officiellement que par les termes d'« opérations de maintien de l'ordre » – allait apporter, après maints déchirements entre opposants réformistes et nationalistes, l'indépendance au peuple algérien. Elle allait aussi traumatiser durablement la société française : le soulèvement des nationalistes algériens frappait un pays à peine remis de la guerre ; il allait durer huit ans et finir par emporter la IVe République.

1. L’Algérie à la veille de la guerre

1.1. Le symbole de la puissance française

Pour la France des années 1950, la perte éventuelle de l'Algérie représentait une atteinte à son rang de grande puissance, symbolisé depuis la fin du xixe siècle par sa présence coloniale dans le monde.

L'Algérie, au cœur du Maghreb, entre Afrique noire et Proche-Orient, est la pièce maîtresse de son dispositif. L'apport de la colonie algérienne à l'économie nationale, longtemps limité à une agriculture commerciale dynamique, s'est transformé grâce aux découvertes de pétrole et de gaz qui se multiplient après 1951. L'Algérie constitue également la seule colonie française de peuplement, avec un million d'« Européens » en 1954 (des Français, mais aussi des Italiens, des Espagnols et des Maltais, qui bénéficient de la naturalisation automatique), dont les avantages sont à opposer à la sous-administration et au sous-équipement de la population musulmane.

1.2. L'insatisfaction de la population musulmane

Celle-ci, forte de neuf millions d'habitants, de statut coranique, en forte croissance démographique, est en partie réduite à la misère par la crise agraire.

Pour les Algériens, la lutte armée sert à exprimer une désillusion réelle à l'égard des promesses françaises. En 1937, le projet Blum-Viollette étendant le droit de vote à une minorité de musulmans a été repoussé. En 1947, un nouveau statut organique est octroyé, créant une Assemblée algérienne dont la moitié des représentants est élue par un collège de 522 000 citoyens français, et l'autre moitié par un collège de 1 200 000 musulmans non citoyens. Mais, dès 1948, le vote du collège musulman est truqué par le gouverneur général Naegelen appuyé par l'opinion pied-noir (nom usuel de la communauté française d’Algérie) et donne la majorité aux candidats musulmans de l'administration française.

1.3. Diversité du nationalisme algérien

En 1954, le mouvement nationaliste algérien, déjà ancien, est en pleine mutation. – L'Association des oulémas (docteurs de la loi islamique) garde une autorité surtout morale.

Les anciennes formations

– L'Union démocratique du manifeste du peuple algérien (UDMA), fondée en 1946 par Ferhat Abbas, a soulevé les espoirs de la bourgeoisie musulmane, mais elle est la principale victime de la politique du gouverneur général.
– Le parti communiste algérien hésite entre autonomie et assimilation.
– Le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) de Messali Hadj, fondé en octobre 1946, est le fer de lance du nationalisme algérien. Il s'impose grâce à son programme – l'indépendance totale – à ses 25 000 militants aguerris par la clandestinité, et aux révoltes menées par le parti populaire algérien (PPA, interdit depuis 1939, auquel le MTLD sert de couverture légale ) dans le Constantinois en 1945.

La fondation du FLN (1954)

Toutefois, l'autorité de Messali Hadj est contestée par ceux – dont Hocine Aït Ahmed et Ahmed Ben Bella – qui préconisent l'action immédiate pour relancer le mouvement et qui créent en mars-avril 1954 Le Comité révolutionnaire pour l'unité et l'action (CRUA).

En octobre 1954, neuf personnalités – parmi lesquelles Aït Ahmed, Belkacem Krim, Ben Bella, Mohammed Boudiaf, qui traverseront toute la guerre – fondent le Front de libération nationale (FLN), le dotent d'une Armée de libération nationale (ALN), et fixent l'insurrection pour la Toussaint 1954.

2. La guerre de 1954 à 1958

2.1. Guérilla contre armée traditionnelle

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Houari Boumediene

Le 1er novembre 1954, la rébellion éclate en Grande Kabylie et dans les Aurès (la « Toussaint rouge ») : le territoire algérien est secoué par une une trentaine d'attaques silmultanées contre des objectifs militaires ou de police qui font sept morts. François Mitterrand, ministre de l'Intérieur, décide l'envoi de trois compagnies de CRS et la dissolution du MTLD. Ces « évènements » ne sont pas perçus comme le début de la guerre.

L'année 1955 marque un tournant : le recours à la force est prôné par F. Mitterrand qui présent un programme de réformes pour l'Algérie. Les premières opérations de l'armée française se déroulent dans l'Aurès. Jacques Soustelle, nommé gouverneur général de l'Algérie prône l'intégration et le gouvernement français instaure l'état d'urgence (1er avril). Les opérations menées relèvent de la guérilla : attentats, attaques de détachements, sabotages, d'abord en Kabylie et dans le Constantinois.

2.2. Le soulèvement dans le Constantinois (août 1955)

Les 20 et 21 août 1955, des émeutes éclatent au Maroc (le 20 août est la date anniversaire de la déposition du sultan Sidi Mohammed ben Youssef, champion du mouvement nationaliste) et en Algérie. Il s'agit de prouver la solidarité des combattants algériens avec les autres luttes du Maghreb, mais aussi de montrer la capacité politico-militaire du FLN. Le bilan des émeutes est de 123 morts, dont 71 Européens, mais la répression qui s'ensuit est disproportionnée, avec un nombre de victimes peut-être supérieur à 10 000 (le chiffre officiel étant de 1 273 morts).

Ce drame coupe de façon irréductible les liens entre les deux communautés.

2.3. La généralisation de la lutte armée (1956-1957)

Le 12 mars 1956, l'Assemblée nationale vote les pouvoirs spéciaux au gouvernement Guy Mollet : la décision de recourir à l'armée marque un tournant dans le dispositif répressif du maintien de l'ordre. Il est fait appel au contingent : 450 000 soldats français (contre 25 000 combattants algériens).

À partir de 1956, la lutte armée se déroule sur tout le territoire, grandes villes comprises. Le poids du commandement militaire ne cesse de croître. Il est confié à des officiers chevronnés, comme le général Salan, commandant en chef en novembre 1956, puis délégué général du gouvernement en mai 1958, avec tous les pouvoirs civils et militaires. Son successeur, le général Maurice Challe (décembre 1958-avril 1960), et le général Massu, qui manifeste sa vigueur lors de la « bataille d'Alger » en 1957, sont populaires parmi les pieds-noirs. Certains officiers plus jeunes s'engagent totalement dans la cause de l'« Algérie française ».

2.4. La création du GPRA (1958)

Côté algérien, l'ALN dispose dans chaque wilaya, ou région militaire, d'un double commandement, militaire et politico-administratif, sous la direction d'un colonel. Des tensions apparaissent avec les combattants de l'extérieur, mais le principe d'une direction collégiale est acquis lors du congrès de la Soummam, en août 1956.

En 1958 est créé à l'extérieur un Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), présidé jusqu'en 1961 par Ferhat Abbas.

Du côté du FLN, rivalités internes, purges sanglantes et disparitions au combat provoquent un renouvellement partiel des dirigeants (Houari Boumediene devient chef de l'état-major général de l'ALN en 1960).

2.5. Une victoire impossible pour l'armée française

La France finit par gagner la guerre sans pour autant rétablir l'ordre. À partir de 1957, le contrôle est repris dans les grandes villes (« bataille d’Alger »), sur les frontières (1957-1958), puis dans les campagnes, par étapes, jusqu'en Kabylie (1959-1960), grâce à la pratique des « camps de regroupement ».

En revanche, la France perd la guerre auprès de l'opinion, internationale et métropolitaine. Auprès des musulmans, l'« action psychologique » a échoué : les regroupements forcés, les exactions de l'armée française et la terreur entretenue par le FLN rendent toute cohabitation impossible.

2.6. Un conflit de dimension internationale
L'aide des pays arabes au FLN

Malgré les tentatives des gouvernements français de présenter la guerre d'Algérie comme un problème de police intérieure, la dimension internationale du conflit n’a cessé de croître, ce qui a profité au FLN. L'aide arabe a été décisive. La Délégation extérieure du FLN s’est regroupée autour de Ferhat Abbas au Caire, siège de la Ligue arabe.

Les deux pays voisins, le Maroc et la Tunisie, ont servi d'arsenal, de base arrière et de camp d'entraînement pour les combattants. Chaque tentative de l'armée française pour rompre la solidarité de ces États souverains a soulevé des protestations internationales, que ce soit lors de l'interception, en 1956, d'un avion marocain transportant des chefs historiques du FLN (dont Ben Bella), ou lors du bombardement du village tunisien de Sakhiet Sidi Youssef le 8 février 1958, qui a suscité la réprobation américaine.

L'hostilité des deux Grands face à la France

Les deux Grands ont en effet condamné la politique française au nom du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, mais pour des intérêts contraires : l'URSS a vu dans son soutien mesuré au FLN le moyen d'implanter son influence au Maghreb ; les États-Unis ont considéré que l'intransigeance française était le meilleur moyen pour que l'URSS y parvienne.

Les soutien des pays non-alignés au FLN

En permettant à la délégation algérienne de siéger dans leur mouvement comme membre à part entière lors de la conférence de Bandung, les pays non alignés donnent une dimension internationale au FLN. À partir de septembre 1955, les offensives diplomatiques répétées des pays afro-asiatiques contraignent la France à justifier sa politique devant l'Assemblée générale des Nations unies d'abord en 1956, puis à nouveau l'année suivante.

3. La France malade de la guerre d'Algérie (1956-1958)

3.1. L'agonie de la IVe République
L'impuissance du régime

L'impuissance de la IVe République à rétablir la paix est exploitée par la coalition provisoire des forces politiques qui lui sont hostiles et aboutit à l'effondrement du régime.

Face à l'échec de la politique d'intégration menée par Soustelle à partir de 1955 et face au refus des propositions françaises (cessez-le-feu, élections, négociations) par le FLN, les gouvernements hésitent entre la négociation à tout prix et la guerre à outrance. Ils laissent de plus en plus l'initiative politique à l'armée et à la rue : le 6 février 1956, des tomates sont lancées sur le président socialiste du Conseil Guy Mollet, qui rappelle le gouverneur général, le général Georges Catroux, et nomme à sa place Robert Lacoste comme ministre résident.

Les divisions déchirent les partis, provoquent la rupture de la majorité de Front républicain au pouvoir depuis janvier 1956, et le retour à l'instabilité ministérielle des législatures précédentes, après la chute de Guy Mollet le 21 mai 1957.

Le 13 mai 1958

Cette impuissance est exploitée à Alger, parmi les colons, par des activistes qui cherchent à provoquer un putsch qui contraindrait Paris à poursuivre la guerre. Ils rejoignent ainsi les préoccupations de nombreux officiers, de plus en plus méfiants à l'égard du gouvernement civil, et qui assimilent négociations et « trahison » des combattants.

Le 13 mai 1958, des manifestants, animés par le président des étudiants d'Alger, Pierre Lagaillarde, investissent le siège du gouvernement général et désignent un « Comité de salut public » dirigé par le général Massu, avec l'accord du général Salan.

À Paris, la nouvelle de la rébellion d'Alger éclate comme une bombe : le nouveau président du Conseil, Pierre Pflimlin, tente de préserver la légalité. Mais dès le lendemain, Massu lance un appel au général de Gaulle, franchissant un nouveau pas dans la rupture avec Paris.

Le retour du général de Gaulle

Le 15 mai, le général de Gaulle se dit « prêt à assumer les pouvoirs de la République », mais sans préciser davantage quelle politique il entend mettre en œuvre en Algérie.

L'arrivée de Jacques Soustelle (rallié à de Gaulle) à Alger le 17 donne un chef politique au mouvement né du 13 mai, tout en aggravant le différend avec la métropole. À Alger toujours, des émissaires gaullistes officieux prennent contact avec les factieux.

Le pouvoir exécutif est paralysé par la menace d'un coup d'État militaire. Pflimlin démissionne le 28. Le président René Coty fait alors appel au général de Gaulle. Le 1er juin, l'Assemblée nationale l'investit avec tous pouvoirs pour élaborer une nouvelle Constitution. Le 3 juin, de Gaulle obtient les pouvoirs spéciaux pour six mois afin de résoudre la crise algérienne. Le lendemain, à Alger, il lance son « Je vous ai compris ! ».

Pour en savoir plus, voir les articles général de Gaulle, IVe République.

3.2. La recherche de la paix (1958-1962)
De Gaulle, de l'intégration à l'autodétermination (1958-1959)

La rupture de l'opinion française avec les pieds-noirs et l'armée d'Algérie est un temps masquée par la politique du général de Gaulle (fin 1958, le « plan de Constantine » suggère une politique d'intégration). Mais, le 16 septembre 1959, l'annonce de l'autodétermination fait monter en première ligne les partisans de l'Algérie française.

Dans un discours décisif, de Gaulle propose trois voies, entre lesquelles les Algériens seront appelés à choisir : sécession, francisation ou association. C'est la première fois que l'indépendance peut être, de fait, envisagée. Reste cependant le problème de la pacification de l'Algérie, sans laquelle l'autodétermination est improbable.

Un pays favorable à la paix

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La guerre d'Algérie vue par le PCF

L'opinion publique française, initialement favorable à la guerre, glisse vers la recherche de la paix, même au prix de l'indépendance ; en janvier 1961, le référendum sur l'autodétermination recueille 72,25 % de « oui » en métropole et 69,09 % en Algérie.

L'utilisation pour la guerre d'Algérie de soldats appelés du contingent a installé le conflit au cœur des familles ; le FLN intensifie les attentats, la métropole n'est plus épargnée. La répression ne faiblit cependant pas, comme lors de la manifestation des Algériens à Paris le 17 octobre 1961, qui fait plus de 200 morts selon les sources officielles divulguées en 1997.

En outre, le coût économique de la guerre ébranle une partie de la classe politique et les milieux d'affaires, qui voient avec inquiétude les pays concurrents se moderniser et connaître une forte croissance. Enfin, le coût moral de la guerre et le mépris pour les libertés républicaines que semblent avoir l'armée et le gouvernement poussent divers acteurs à entrer en action.

La mobilisation pour la paix

Les intellectuels se mobilisent, les uns pour les libertés, les autres pour l'indépendance algérienne (Pour en savoir plus, voir l'article Manifeste des 121 en faveur de l'insoumission, septembre 1960). À Alger, quelques isolés prônent le rapprochement des communautés, tels André Mandouze ou Albert Camus. Rares sont ceux qui aident, clandestinement, le FLN, tels les « porteurs de valise » du réseau Jeanson.

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La guerre d'Algérie vue par le PCF

Quelques journaux – France-Observateur, Témoignage chrétien, le Monde –, bravant la censure et les poursuites judiciaires, dénoncent la torture. Le syndicalisme étudiant (→ Union nationale des étudiants de France) passe du refus de la guerre au soutien à l'indépendance. Une partie des syndicats ouvriers et des militants politiques de gauche – parti communiste à partir de 1956, parti socialiste autonome, mendésistes, puis parti socialiste unifié – manifestent contre la poursuite des combats, puis pour le soutien aux négociations.

Le 8 février 1962, une manifestation organisée par les syndicats de gauche contre l'neuf manifestants au métro Charonne, dans le XIe arrondissement de Paris

3.3. De la semaine des barricades aux accords d’Évian (1960-1962)
Les derniers sursauts de l'Algérie française

L'épreuve de force éclate lors de la « semaine des barricades » (24 janvier-1er février 1960), avec la complicité de certaines unités de l'armée, mais le général Challe, commandant en chef, bloque l'insurrection.

Cependant, dès l'année suivante, la perspective de l'aboutissement des négociations entamées à l'automne 1960 avec le FLN et de la reconnaissance d'un État algérien souverain fait basculer Challe ainsi que les généraux Salan, Zeller et Jouhaud dans la rébellion.

Mais le putsch d'Alger (21-26 avril 1961) échoue, faute de rallier le contingent et l'opinion française. Les officiers factieux rejoignent alors l'OAS.

Impuissante à empêcher l'indépendance, l'OAS multiplie les attentats (en Algérie et en métropole), les destructions systématiques et les massacres, comme la fusillade de Bab-el-Oued en mars 1962. Les violences commises par l'OAS ne cessent qu'après l'accord FLN-OAS du 17 juin 1962. Dans un tel climat de haine et de peur, 900 000 Français d'Algérie décident de quitter le pays, de se faire « rapatrier » en France.

Les accords d'Évian

Les accords d'Évian, signés le 18 mars 1962, donnent la souveraineté à l'État algérien, Sahara compris. Le principe d'une coopération financière (intégration à la zone franc), culturelle et technique (mise en valeur des hydrocarbures) est adopté. Une partie des accords ne sera pas appliquée, par suite des orientations prises par le gouvernement algérien après l'indépendance (occupation des bases militaires, nationalisation des biens des colons, puis des hydrocarbures en 1971). Approuvée par référendum le 1er, l’indépendance de l'Algérie est solennellement proclamée le 3 juillet 1962.

3.4. Les conséquences de la guerre
Le coût humain

Le coût de la guerre en hommes est encore discuté. L'incertitude provient moins des morts au combat que des victimes officieuses des tortures de l'armée française ou des assassinats dus au FLN, y compris chez les musulmans. Le chiffre de 300 000 à 400 000 morts du côté algérien est le plus probable. On compte 27 500 militaires français tués et un millier de disparus, et chez les civils européens 2 800 tués et 800 disparus.

L'héritage de la guerre civile

Aujourd'hui, les liens de l'Algérie avec la France restent étroits, grâce aux hommes, aux accords commerciaux, à la coopération technique et culturelle. L'esprit de la guerre d'indépendance est cependant resté longtemps vivace dans la diplomatie algérienne, fidèle au non-alignement et qui milite dans les instances internationales (ONU, OUA, OPEP) en faveur d'un nouvel ordre économique mondial. Le régime du parti unique, hérité de la guerre et des luttes pour le pouvoir, suscite cependant une hostilité croissante dans l'opinion publique algérienne, qui finit par obtenir l'introduction du multipartisme en février 1989.

Les traumatismes de la guerre côté français

En France, le traumatisme causé par la guerre d'Algérie est dépassé par les pieds-noirs, sans être cependant oublié. En revanche, le cas des harkis, ces supplétifs algériens de l'armée française, reste le dernier vestige, douloureux, de la guerre d'indépendance algérienne, malgré un début de reconnaissance par l'État français, en 2001, de ces combattants qui furent des dizaines de milliers à être massacrés par les soldats de la nouvelle République algérienne.

Chronologie
  • 1954 Insurrection dans les Aurès et en Grande Kabylie, début de la guerre d'Algérie.
  • 1956 Envoi du contingent en Algérie (avril).
  • 1957 En Algérie, opération de rétablissement de l'ordre menées dans les villes (« bataille d'Alger ») [janvier-février].
  • 1958 La crise algérienne ramène le général de Gaulle au pouvoir.
  • 1961 Référendum adoptant le principe de l'autodétermination en Algérie (janvier).
  • 1961 Création de l'O.A.S. (Organisation Armée secrète), après l'échec du putsh militaire d'Alger (avril).
  • 1961 Répression d'une manifestation algérienne à Paris (octobre).
  • 1962 À la suite des accords d'Évian (18 mars), approuvés par référendum le 8 avril, indépendance de l'Algérie.

 

 

 

Ligue arabe ou Ligue des États arabes

Association d'États arabes indépendants, destinée à promouvoir leur coopération et dont la charte fut signée le 22 mars 1945 au Caire par l'Égypte, la Syrie, le Liban, l'Iraq, la Transjordanie (devenue en 1949 la Jordanie), l'Arabie saoudite et le Yémen.

1. La création de la Ligue

La création de la Ligue répond à la volonté des Britanniques de retrouver, au cours de la Seconde Guerre mondiale, le soutien des États arabes. En effet, ceux-ci ont vécu comme une trahison l'abandon des promesses faites par la France et le Royaume-Uni pour s'assurer de leur concours lors de la Première Guerre mondiale.

À l'issue des négociations menées en 1915-1916, les Britanniques s'était engagés à soutenir la création d'un État arabe indépendant. Le souverain de ce futur État devait être le chérif de La Mecque Husayn ibn Ali, dont les troupes, organisées par Lawrence d'Arabie, contribuent à la défaite de l'Empire ottoman. Bien que victorieux, français et Britanniques ne tiennent pas leurs engagements. Malgré la présence en France du fils d'Husayn ibn Ali, le prince Faysal Ier, la Conférence de paix de 1919 refuse d'accorder aux Arabes un État. En vertu d'un accord secret signé en 1916, l'accord de Sykes-Picot, la France obtient un mandat sur la Syrie et le Liban. Conformément aux promesses de la déclaration Balfour de 1917, la Palestine, placée sous mandat britannique et détachée de la Syrie, est ouverte à la colonisation juive.

Cette situation suscite d'abord la colère des Arabes (insurrection en Égypte en 1919, émeutes en Palestine et révolte en Iraq en 1920 sévèrement réprimées). Apparaissent alors chez les Arabes le désir d'obtenir l'indépendance ainsi que l'idée d'une unité arabe, nécessaire face à la fragmentation imposée par les puissances.

En 1939, pour regagner la confiance des Arabes qui n'étaient pas insensibles à la propagande de l'Axe, le Royaume-Uni limite considérablement l'immigration juive en Palestine (Livre blanc de 1939). En mai 1941, le ministre britannique des Affaires étrangères Antony Eden soutient la cause de l'unité arabe. Churchill approuve en 1943 la proclamation de l'indépendance de la Syrie (effective en 1946) puis celle du Liban, à laquelle s'oppose le général de Gaulle, qui considérait que cette décision ne pouvait intervenir qu'après le rétablissement de la république en France.

En 1945, la constitution de la Ligue des États arabes, sous les auspices britanniques, permet à Londres d'ancrer sa domination sur le Proche-Orient. Le siège de la Ligue est fixé au Caire et ses principaux États membres – Égypte, Transjordanie, Iraq – se trouvent sous influence britannique.

2. Une influence limitée

L'influence de la Ligue arabe demeure limitée en raison de ses statuts mais surtout en raison de son histoire mouvementée.

2.1. Des statuts peu contraignants

La Ligue arabe n'est pas une organisation supranationale. Son objet se limite à favoriser une coopération interarabe multiforme, librement consentie par les États membres, qui ne peuvent être liés par les décisions de l'organisation auxquelles ils n'auraient pas souscrit. Un nombre très faible d'accords adoptés par le conseil de la Ligue (au sein duquel jour la règle de l'unanimité en matière de vote) a été ratifié par l'ensemble des pays membres. Il en est notamment ainsi de l'accord relatif à l'instauration d'un marché commun arabe, conclu en 1964. D'autres accords, bien que ratifiés par tous les pays membres, n'ont pas été régulièrement appliqués ; c'est le cas, par exemple, du système de sécurité collective institué par la charte de la Ligue et par le pacte de défense commune et de coopération économique du 13 avril 1950, qui n'a pas joué lors des guerres israélo-arabes de 1956, 1967 et 1973 (→ guerres israélo-arabes).

2.2. Une histoire mouvementée

Les crises incessantes qui ont agité le monde arabe depuis 1945 ont affecté le fonctionnement et l'efficacité de la Ligue et son rôle est resté mineur malgré l'arrivée au pouvoir en 1952 de Nasser en Égypte (1918-1970). Dès ses origines, la Ligue pâtit des divisions entre ses membres. L'Égypte réclame au Royaume-Uni l'évacuation de la zone du canal de Suez et la restitution du Soudan (en théorie soumis à un condominium anglo-égyptien), tandis que la Transjordanie et l'Iraq restent fidèles à l'alliance britannique. Mais surtout, la création du nouvel État d'Israël et sa victoire sur les Arabes en 1948 tournent à la confusion des pays arabes. Dès lors, la question palestinienne devient l'enjeu majeur de nombreux sommets de la Ligue arabe – c'est dans son cadre qu'est créée, en 1964, l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), devenue en 1976 membre à part entière de la Ligue.

L'Égypte en est exclue en 1979 pour avoir signé les accords de paix avec Israël (accords de Camp David de 1978) et le siège est transféré à Tunis. L'influence de la Ligue, privée de sa nation la plus puissante, est durablement entamée. Pendant cette période, d'autres structures de coopération se développent dans un cadre régional, comme le Conseil de coopération du Golfe, créé en 1981, ou l'Union du Maghreb arabe en 1989. Mis, en dépit du retour en son sein de l'Égypte (1990), la Ligue arabe ne parvient pas à s'imposer comme un acteur majeur sur la scène internationale. La guerre du Golfe (1990-1991) et le début du processus de paix israélo-arabe creusent les divisions au sein du monde arabe.

3. La Ligue arabe aujourd'hui

En 1990, le siège de la Ligue a été de nouveau établi au Caire. De 2001 à 2011, son secrétaire général a été l'Égyptien Amr Moussa, qui est un acteur majeur de la période de transition politique que connaît son pays.
Outre les sept États fondateurs, quatorze pays, ainsi que l'OLP représentant la Palestine, ont été admis au sein de la Ligue depuis sa création :
– la Libye (1953). [Après avoir suspendu la participation de la Libye en février 2011, la Ligue arabe reconnaît le Conseil national de transition (CNT) comme étant le représentant légitime du peuple libyen (août 2011)].
– le Soudan (1956)
– le Maroc (1958)
– la Tunisie (1958)
– le Koweït (1961)
– l'Algérie (1962)
– Bahreïn (1971)
– les Émirats arabes unis (1971)
– Oman (1971)
– le Qatar (1971)
– la Mauritanie (1973)
– la Somalie (1974)
– l'Organisation de libération de la Palestine (1976)
– Djibouti (1977)
– les Comores (1993).

Chronologie
  • 1945 Constitution de la Ligue arabe, qui regroupe l'Arabie saoudite, l'Iraq, le Liban, la Syrie, l'Égypte, le Yémen et la Transjordanie (22 mars).
  • 1977 Indépendance de la République de Djibouti qui adhère à la Ligue arabe.

 

Ifriqiya

Dénomination en arabe (du latin Africa) de la partie orientale du Maghreb médiéval.

Englobant pour l'essentiel la Tunisie (nom qu'elle finit par porter au xiiie s. en raison du poids politique de Tunis sous le royaume hafside), elle s'étendait de l'est de l'ancien Constantinois (nord-est de l'Algérie actuelle) à la Tripolitaine (nord-ouest de la Libye actuelle).

Chronologie
  • 670 Conquête arabe de l'Ifriqiya (Tunisie) et fondation de Kairouan.
  • 800 Fondation de la dynastie aghlabide, qui règne sur l'Ifriqiya et qui a pour capitale Kairouan.
  • 972 Fondation de la dynastie ziride qui gouverne l'Ifriqiya au nom des Fatimides qui se sont établis en Égypte.
  • vers 1050 Dévastation des campagnes de l'Ifriqiya (Tunisie) par les Banu Hilal.
  • 1229 Les Hafsides rejettent l'obédience des Almohades et deviennent maîtres de l'Ifriqiya.
  • 1331-1349 Règne de Abu al-Hasan. Apogée de la dynastie marocaine des Marinides, qui s'empare du royaume abdalwadide de Tlemcen (1337) et occupe en 1347 l'Ifriqiya hafside (Tunisie, Algérie orientale).
  • 1358 Fin de la domination marinide sur l'Ifriqiya, qui est partagée entre trois princes hafsides établis à Tunis, Béjaïa et Constantine.
  • 1370-1394 Abu al-Abbas Ahmad restaure la puissance des Hafsides et réunifie l'Ifriqiya (Tunisie).

 

Aghlabides ou Arhlabides

Dynastie arabe de l'Afrique du Nord (ixe s.).

Fondée par le gouverneur abbasside Ibrahim ibn al-Aghlab, avec pour capitale Kairouan, cette dynastie régna de 800 à 909 sous la souveraineté nominale des Abbassides. Les Aghlabides entreprirent la conquête de la Sicile (827) et de l'île de Malte (870). Ils furent éliminés par les Fatimides.

Chronologie
  • 800 Fondation de la dynastie aghlabide, qui règne sur l'Ifriqiya et qui a pour capitale Kairouan.
  • 827 Début de la conquête de la Sicile par les Aghlabides, dynastie d'Afrique du Nord.

 

Zirides

Dynastie berbère qui régna dans l'est de l'Afrique du Nord (972-1148) avec pour capitale Kairouan.

Fondée par Yusuf Bulukkin ibn Ziri en 972, elle doit se résigner, au xie s. à voir les Sanhadjas de l'Ouest devenir indépendants et crééer la dynastie des Hammadides, avec pour capitale Qala des Banu Hammad, puis Bougie. Les Zirides répudient l'autorité fatimide et le calife envoie contre eux les bandes bédouines des Banu Hilal, qui dévastent le pays et sèment l'anarchie (1052). Les derniers Zirides, au xiie s., subissent les invasions des Normands de Sicile. Leur dynastie disparaît sous le coup des Almohades. Un autre groupe ziride a constitué une dynastie à Grenade jusqu'à la fin du xie s.

Chronologie
  • 972 Fondation de la dynastie ziride qui gouverne l'Ifriqiya au nom des Fatimides qui se sont établis en Égypte.
  • 1051-1052 Les Zirides se rendent indépendants des Fatimides du Caire.

 

Banu Hilal ou Hilaliens

Tribu arabe qaysite, qui, associée aux Banu Sulaym, vit de brigandages sur les routes de La Mecque à Médine, à l'époque abbasside.

Les Banu Hilal émigrent ensuite en Égypte et sont établis par le calife fatimide al-Aziz (975-996) en Haute-Égypte, parce qu'ils ont aidé ses ennemis, les Qarmates. Après 1049, ils sont, avec les Sulaym, lancés par le calife al-Mustansir contre son vassal indocile d'Ifriqiya, l'émir al-Muizz ibn Badis de la dynastie des Zirides. Ils lui infligent une défaite sanglante à Haydaran, dans la région de Gabès et sèment un grande anarchie en régnant par vassaux interposés avant d'être défaits par les Almohades au xiie s. Beaucoup de tribus arabes nord-africaines se rattachent à ces envahisseurs, dont les luttes en Afrique du Nord ont fourni la matière d'une épopée des Banu Hilal, très populaire dans la région.

Chronologie
  • vers 1050 Dévastation des campagnes de l'Ifriqiya (Tunisie) par les Banu Hilal.

 

Hafsides

Dynastie d'Afrique du Nord (1229-1574).

Elle fut fondée par Abu Zakariyya Yahya (1229-1249), gouverneur de l'Ifriqiya, qui se rendit indépendant des Almohades de Marrakech. Il conquit Bougie et Constantine (1230), puis Alger (1231) et se fit reconnaître suzerain des Abdalwadides de Tlemcen (1242), des Nasrides de Grenade et des Marinides du Maroc. Son fils al-Mustansir (1249-1277) mit en échec la croisade de Louis IX en 1270. Après une période d'anarchie et de déclin, l'Ifriqiya fut à nouveau unifiée vers 1370 et les Hafsides résidant à Tunis dominèrent jusqu'à la fin du xve s. tout le Maghreb. Leur royaume, en proie aux attaques espagnoles, fut conquis par les pachas turcs de Tripoli (Kairouan, 1557) et d'Alger (Tunis, 1569).

Chronologie
  • 1229 Les Hafsides rejettent l'obédience des Almohades et deviennent maîtres de l'Ifriqiya.
  • 1331-1349 Règne de Abu al-Hasan. Apogée de la dynastie marocaine des Marinides, qui s'empare du royaume abdalwadide de Tlemcen (1337) et occupe en 1347 l'Ifriqiya hafside (Tunisie, Algérie orientale).
  • 1358 Fin de la domination marinide sur l'Ifriqiya, qui est partagée entre trois princes hafsides établis à Tunis, Béjaïa et Constantine.
  • 1370-1394 Abu al-Abbas Ahmad restaure la puissance des Hafsides et réunifie l'Ifriqiya (Tunisie).
  • 1410-1411 Le souverain hafside Abu Faris s'empare d'Alger.
  • 1435-1488 Règne de Abu Amr Uthman, qui consolide la puissance hafside et domine tout le Maghreb.
Kanem

Royaume africain situé à l'est du lac Tchad.

Les Kanouris formèrent un peuple individualisé vers le ixe s. La dynastie des Sefawa, islamisée dès le xie s., créa un État couvrant peut-être les régions du Kanem et du Bahr el-Ghazal et qui s'étendit au xiiie s. vers le Fezzan et le Niger. Les Kanouris furent refoulés au Bornou (xive s.) et leur roi reconquit le Kanem au xvie s. Le Kanem-Bornou connut alors son apogée.

Chronologie
  • IXe s. Création du royaume du Kanem à l'est du lac Tchad.
  • XIe s. Le roi du Kanem se convertit à l'islam.
  • XIIIe s. Apogée du royaume du Kanem qui domine le Bornou, le Fezzan, le Ouaddaï et atteint le Nil.
  • milieu du XIVe s. Le roi du Kanem se réfugie au Bornou.
  • vers 1571 - vers 1603 Le roi du Bornou, Idris Alaoma, rétablit la domination des Kanouri sur le Kanem (Tchad).
Bornou

Région d'Afrique, au S.-O. du lac Tchad, cœur du vaste empire qui a jadis englobé tout le bassin tchadien. Il a donné son nom à un État du Nigeria (capitale : Maiduguri).

HISTOIRE

Région des Kanouris, le Bornou servit de refuge à la dynastie des Sefawa du Kanem au xive s. Après la reconquête du Kanem au xvie s., l'empire s'appela le Kanem-Bornou. La défaite de Rabah devant les Européens (1900) marqua sa fin.

Chronologie
  • XIIIe s. Apogée du royaume du Kanem qui domine le Bornou, le Fezzan, le Ouaddaï et atteint le Nil.
  • milieu du XIVe s. Le roi du Kanem se réfugie au Bornou.
  • vers 1571 - vers 1603 Le roi du Bornou, Idris Alaoma, rétablit la domination des Kanouri sur le Kanem (Tchad).
  • 1817-1837 Règne de Mohammed Bello, fils d'Ousmane dan Fodio. Il s'établit à Sokoto et soumet à l'Empire peul tout le nord du Nigeria, à l'exception du Bornou.

 

Tyr

aujourd'hui Sour (Liban)

Ancienne capitale d'un royaume cananéen, puis phénicien, édifiée sur un îlot à 600 m du rivage.

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Phéniciens et Carthaginois

Rivale de Sidon, elle fut sujette de l'Égypte du xve au xiiie s. avant J.-C. Du règne de Hiram Ier (vers 969-vers 935 avant J.-C.) date l'essor de la cité. Elle fut le foyer d'expansion des Phéniciens et fonda Carthage (814, selon la tradition). Elle résista aux Assyriens, mais Nabuchodonosor II s'en empara (572) après un siège de 13 ans. Alexandre prit la ville, en 332, et la dévasta. Dépendant des Lagides (à partir de 287 avant J.-C.), puis des Séleucides (après 200), elle fut incorporée à la province romaine créée en Syrie en 64 avant J.-C. Elle fut occupée par les Arabes en 638 après J.-C. Les croisés, de 1124 à 1291, lui rendirent sa prospérité.

Chronologie
  • XIIIe-XIIe s. avant J.-C. Sous la poussée des Hébreux et des Araméens, le domaine des Cananéens (appelé Phénicie par les Grecs) se réduit à une bande côtière, où se développent des cités-États (Tyr, Byblos, Sidon).

 

Numides

Peuple maghrébin, surtout composé de nomades, qui a donné son nom à la Numidie, entre la Mauritanie et le pays de Carthage.

Jugurtha

Jugurtha

À partir du iiie s. avant J.-C., ils forment, à l'O., le vaste royaume des Masaesyles, du Rummel à la Moulouya, et, à l'E., le royaume des Massyles, la partie orientale de l'actuel Constantinois. La renommée de leur cavalerie incite Romains et Carthaginois à rechercher leur alliance. Masinissa, roi des Massyles, allié à Scipion, adversaire de Carthage, s'empare des territoires de l'Ouest et de Cirta, dont il fait sa capitale (203 avant J.-C.). À sa mort (148 avant J.-C.), le pouvoir finit par revenir à Micipsa (148-118), dont le neveu Jugurtha s'empare de toute la Numidie (116) et de Cirta (112), où il fait massacrer les marchands romains. Rome conquiert le pays numide en plusieurs campagnes difficiles. Jugurtha sera fait prisonnier (105) et son royaume sera partagé entre Rome et le roi de Mauritanie, Bocchus.

 

Massinissa ou Masinissa

Roi des Numides (vers 238-Cirta 148 avant J.-C.), fils de Gaia, roi des Massyles, peuple nomade de Numidie.

Pour reconquérir le royaume de son père, envahi par Syphax, roi des Masaesyles, il s'allia aux Romains et fit prisonnier Syphax (203), dont il épousa la femme, Sophonisbe. Il favorisa l'urbanisation du pays, et fit de Cirta sa capitale. Il resta toute sa vie un allié des Romains.

Chronologie
  • 203 avant J.-C. Masinissa (ou Massinissa), roi des Massyles et allié des Romains, fait prisonnier Syphax, roi des Masaesyles et allié de Carthage.
  • 201 avant J.-C. Masinissa (ou Massinissa) règne sur toute la Numidie ; il entreprend de sédentariser les nomades et de favoriser la construction de villes.
  • vers 193/152 avant J.-C. Masinissa (Massinissa) entreprend d'annexer des zones des territoires dépendant de Carthage (Tripolitaine, Tunisie centrale).
  • 149 avant J.-C. Face aux empiétements constants de Masinissa (Massinissa), Carthage riposte militairement ; c'est le début de la troisième guerre punique, qui durera jusqu'en 146 avant J.-C.

 

Jugurtha

Jugurtha

Jugurtha

(vers 160 avant J.-C.-Rome 104), roi de Numidie.

Petit-fils de Masinissa, il partagea le pouvoir avec ses cousins Adherbal et Hiempsal (118), qu'il fit assassiner alors qu'ils étaient protégés par Rome. Il obtint des sénateurs, à prix d'argent, d'échapper à une condamnation. Mais quand il prit Cirta (112) et en massacra les défenseurs numides et romains, le sénat lui déclara la guerre. Marius, élu consul en 107, réorganisa l'armée romaine et prit Capsa (Gafsa) [107]. Enfin Bocchus, roi des Maures, livra Jugurtha à Sulla, questeur de Marius (105). Jugurtha orna le triomphe de Marius (104) avant de mourir étranglé. La guerre de Jugurtha a été écrite par Salluste (42-40 avant J.-C.).

 

Chronologie
  • 112 avant J.-C. Jugurtha, roi de Numidie, s'empare de Cirta (aujourd'hui Constantine) ; c'est le début de la guerre contre Rome.
  • 105 avant J.-C. Bocchus Ier, roi de Mauritanie, livre Jugurtha au questeur de Marius, Sulla.
  • à partir de 44 avant J.-C. Salluste rédige de nombreuses études historiques (sur Jugurtha, la conjuration de Catilina).

 

Tertullien

en latin Quintus Septimius Florens Tertullianus

Premier des écrivains chrétiens de langue latine (Carthage vers 155-Carthage 222).

Païen converti au christianisme, il exerça en Afrique du Nord un véritable magistère doctrinal, caractérisé par un rigorisme de plus en plus intransigeant. À la fois apologiste et polémiste (ses chefs-d'œuvre sont Contre Marcio, 207-212, et Apologétique, 197), Tertullien a fortement contribué à la formation du latin chrétien et d'une langue théologique nouvelle.

Chronologie
  • vers 220 L'écrivain chrétien Tertullien entrevoit le rôle de la bile dans la digestion.
Saint Cyprien

en latin Thascius Caecilius Cyprianus

Évêque et martyr (Carthage début du iiie s.-Carthage 258).

Évêque de Carthage (249), chef de l'Église d'Afrique, il fut affronté au problème des lapsi, chrétiens qui, durant la persécution de Decius, avaient faibli dans l'affirmation de leur foi.Ayant tranché dans un sens modéré, il se montra plus sévère lorsqu'il s'agit de la validité du baptême conféré par les hérétiques. Cyprien a laissé plusieurs traités doctrinaux et pastoraux.

 

Hippone

en latin Hippo regius

Ancienne ville de Numidie, sur la Méditerranée (près d'Annaba), colonie de Carthage, puis capitale de la Numidie.

Colonie romaine, elle fut le siège d'un évêché, dont saint Augustin fut titulaire (396-430). Saccagée par les Vandales en 430, elle fut détruite au viie s. par l'invasion arabe. Nombreux vestiges antiques (théâtre à la riche décoration sculptée, maisons ornées de mosaïques) ; quartier chrétien ; grande basilique, vraisemblablement la cathédrale de saint Augustin.

 

Vandales

Peuple germanique établi au sud de la Baltique au ier s. après J.-C. Il est partagé en deux grandes tribus, les Silings, établis au iiie s. sur le Main supérieur, et les Hasdings, installés sur le Danube, au ive s.

Au début du ve s., avec d'autres peuples barbares, ils passent dans les Gaules (407), qui sont pillées, puis en Espagne (à partir de 409). Sous la pression des Wisigoths, chargés par Rome de reconquérir l'Espagne, ils s'embarquent pour l'Afrique en 429 avec leur roi Geiséric (428-477). Acceptés comme fédérés (435), ils détruisent Carthage (439), conquièrent les îles (Baléares, Sicile, Sardaigne et Corse). Établis dans les villes, après s'être emparés des grands domaines, ils adoptent le latin et conservent une bonne partie des institutions romaines d'Afrique. Attachés à l'arianisme, les Vandales ont avec l'Église catholique de très mauvais rapports. Lorsque Hildéric (523-530), favorable au catholicisme, est détrôné par Gélimer, Justinien y trouve le prétexte d'une intervention. Le Byzantin Bélisaire débarque en 533, bat les Vandales et détruit leur État.

Chronologie
  • 406-409 Vandales, Suèves et Alains traversent la Gaule, qu'ils pillent systématiquement, et parviennent en Espagne.
  • 429 Invasion de l'Afrique romaine par les Vandales, commandés par Geiséric (ou Genséric).
  • 431 La flotte de l'Empire d'Orient est vaincue par Geiséric.
  • 435 Geiséric obtient pour les Vandales le statut de fédérés de l'Empire et occupe une partie de la Numidie.
  • 439 Le roi vandale Geiséric s'empare de Carthage.
  • 455 Après la mort de Valentinien, le roi vandale Geiséric débarque en Italie et pille Rome.
  • 476 Le roi vandale Geiséric impose à l'Empire d'Orient la reconnaissance de ses possessions : Afrique, Corse, Sardaigne et Baléares.
  • 533 Byzance reprend l'Afrique du Nord aux Vandales.

 

Bélisaire

Général byzantin (en Thrace vers 500-Constantinople 565).

Justinien fit de lui le premier général de l'Empire. Vainqueur des Perses en 530, lors de la sédition Nika, en 532, il sauva le trône de Justinien. Il reconquit l'Afrique sur les Vandales (533) et occupa la Sicile (535), Naples et Rome, mais sous le roi Vitigès, les Ostrogoths l'assiégèrent dans Rome, qu'il défendit pendant un an (537-538). Rome délivrée, Bélisaire s'empara de Ravenne. Il arrêta les Perses du roi Khosrô Ier qui tentaient d'occuper l'Asie Mineure (541-542), mais il échoua en 544 dans la défense de Rome contre les Ostrogoths de Totila. Après une retraite de quelque dix ans, il reprit les armes pour repousser les Huns qui menaçaient Constantinople.

Chronologie
  • 530-534 Reconquête de l'Afrique du Nord par les Byzantins, commandés par le général Bélisaire.
  • 535 Reconquête de la Dalmatie et de la Sicile par les Byzantins, commandés par Bélisaire.
  • 543 Disgrâce du général byzantin Bélisaire.
  • 565 Mort de l'empereur byzantin Justinien et du général Bélisaire.

 

 

kharidjisme

Consulter aussi dans le dictionnaire : kharidjisme

Secte musulmane intransigeante et rigoriste, qui se constitua en 660.

Le kharidjisme est la doctrine d'une secte musulmane qui s'est définie, une quarantaine d'années après l'hégire, par des revendications et un rigorisme à l'encontre desquels la majorité de l'islam fit front à travers le sunnisme et le chiisme.

Les kharidjites, d'abord partisans de Ali, se séparèrent de lui en 657. Ils devinrent alors les adversaires acharnés des chiites, n'admettant comme califes que ceux qui étaient restés ou se tiendraient dans ce qu'ils considéraient comme la voie droite, le détenteur d'un tel titre « fût-il un esclave noir ». Ils se ramifièrent en différents courants parmi lesquels les ibadites et les sufrites. Ils rallièrent certaines tribus berbères du Maghreb dans plusieurs révoltes contre les conquérants arabes dont celle de 739-740 au Maroc et fondèrent, avec le soutien des Nafusas, la principauté rustémide de Tahert (777-909) dans le Maghreb central.

Subsistent aujourd'hui les ibadites du sultanat d'Oman et ceux d'Afrique du Nord (île de Djerba, Mzab). Ils prennent à la lettre les notions et valeurs du Coran en les poussant jusqu'à leurs conséquences extrêmes et considèrent que, dans une communauté musulmane « juste », le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel s'identifient.

Chronologie
  • 657 Les kharidjites se séparent du parti de Ali et deviennent les adeptes d'un islam égalitaire et intransigeant.
  • 761 Fondation par un kharidjite d'origine persane du royaume rustémide de Tahert (Maghreb central).

 

califat

Califes_abbassides

La question de l’attribution du titre de chef suprême de la communauté musulmane est à l'origine de la division de l'islam en trois branches : le kharidjisme, le chiisme et le sunnisme.

La succession du Prophète

Le califat a été institué à la mort de Mahomet pour le remplacer à la tête de l'État musulman. Le titre de calife (khalifa) – le terme, signifiant « successeur [du Prophète] », ayant rapidement été compris au sens de « lieutenant [d'Allah] » – attribué au chef de la communauté musulmane se double à l'origine de ceux d'amir al-muminin, « commandeur des croyants », et d'imam, « guide des musulmans dans l'obéissance à la Loi ». Le contenu même de sa fonction le justifiait : maintenir l'unité du monde islamique, assurer sa défense et son extension, préserver le dogme contre toute innovation, veiller au respect de la Loi, gouverner et administrer l'empire.

Les quatre premiers califes

Les quatre premiers califes sont dits ar-Rachidun (les « Bien-Dirigés »), car ils représentent, dans la mémoire des musulmans sunnites, l'idéal du souverain proche de ses sujets, qui gouverne selon les principes de la loi musulmane ; pour leur part, les musulmans chiites n'admettent que la seule légitimité du quatrième de ces califes (Ali).

L’histoire de ses quatre premiers califes est mouvementée, car aucune règle de succession n'a été établie par Mahomet de son vivant. De plus, rien ne prédestine une personne plutôt qu'une autre au pouvoir. D'où les incessantes luttes d'influence. Si le premier calife Abu Bakr (632-634) – deuxième converti par la prédication de Mahomet, auquel il a donné en mariage sa fille Aïcha – et le deuxième calife Umar (634-644) – dont Mahomet a également épousé une fille, Hafsa – sont choisis en raison de leurs liens avec le Prophète, en revanche, le troisième calife, Uthman (644-656) – aristocrate mecquois de la famille des Omeyyades, plus tardivement ralliée à Mahomet –, est désigné par un Conseil de sages. Il est assassiné par des conjurés, et certains proches du Prophète en profitent pour imposer Ali (656-661), cousin et gendre de Mahomet, comme quatrième calife.

Ainsi, les différentes branches familiales se sont opposées pour la conquête du pouvoir politique et religieux. En particulier, l'affrontement de Siffin (657), en Iraq, a consacré l'éclatement de la communauté musulmane, qui se scinde peu après en chiites (partisans du calife Ali et de sa descendance), sunnites (partisans des Omeyyades, parents du calife Uthman) et kharidjites (« ceux qui se sont séparés », partisans de Ali qui s’en sont détachés).

Les cinq califats dynastiques

-Califes_abbassides1

Califes abbassides

Après le califat de Ali, dernier des « Bien-Dirigés » gouvernant depuis Médine, le califat est transporté à Damas où règne la première dynastie califale, celle des Omeyyades (661-750). Elle est renversée par la deuxième dynastie califale, celle des Abbassides (750-1258) qui choisit Bagdad comme capitale. Ces califes disposent, en principe, d'un pouvoir absolu, de caractère théocratique, inspiré par le modèle des empereurs byzantins et des souverains perses sassanides. Mais, dans les faits, les califes doivent progressivement abandonner une grande partie de leurs prérogatives et se limiter à des fonctions religieuses et de représentation.

Dans la péninsule Ibérique, un descendant de la famille omeyyade, Abd al-Rahman III, fait sécession et fonde le califat omeyyade de Cordoue (929-1031). De même, en Afrique du Nord puis en Égypte est mis en place le califat fatimide chiite (909-1171). Déjà menacée par ces deux califats rivaux, la dynastie abbasside n'exerce plus qu'une autorité purement nominale sur le monde musulman après le sac de Bagdad par les Mongols en 1258 ; elle se perpétue cependant au Caire, à l'époque des Mamelouks (1261-1517).

En 1517 est proclamé le califat ottoman d’Istanbul (Empire ottoman). Ce califat est le seul des cinq califats musulmans a ne pas avoir été détenu par des Arabes, mais par des Turcs. Aboli en mars 1924 par le régime de Mustafa Kemal Atatürk, le califat ottoman est ainsi le dernier de l’histoire de l’islam.

Roger Ier

(en Normandie 1031-Mileto, Calabre, 1101)comte de Sicile (1062-1101), fils de Tancrède de Hauteville.

Il aida son frère Robert Guiscard à conquérir la Calabre sur les musulmans (1061), puis prit une grande part à la conquête de la Sicile, achevée seulement en 1091. Il se montra très tolérant à l'égard de la population musulmane.

Chronologie
  • 1072-1091 Les Normands Robert Guiscard et Roger Ier conquièrent toute la Sicile sur les Arabes.

 

Dragut

en turc Turgut

Corsaire turc (Anatolie vers 1500-Malte 1565).

Au service de Khayr al-Din Barberousse (à partir de 1540), puis du gouvernement ottoman (à partir de 1551), il participa à la prise de Tripoli en 1551, ravagea périodiquement les côtes et les îles italiennes (1551-1560) et battit la flotte espagnole à Djerba (1560). Il fut tué en assiégeant Malte.

Don Juan d'Autriche

Prince espagnol (Ratisbonne 1545-Bouges, près de Namur, 1578), fils naturel de Charles Quint et de Barbe Blomberg (ou Plumberger).

Il réprima la révolte des morisques d'Andalousie (1568-1570). Vainqueur des Turcs à Lépante (1571), il occupa Tunis et Bizerte (1574). Lieutenant général à Naples, il fut nommé gouverneur général des Pays-Bas à la mort de Requesens (1576). Il dut accepter, par l'Édit perpétuel (1577), d'évacuer les provinces du Sud ; mais après l'arrivée d'Alexandre Farnèse, il reprit l'offensive. Vainqueur à Gembloux (1578), il mourut peu après, vraisemblablement empoisonné.

 

janissaire

(italien giannizzero, du turc yeni çeri, nouvelle troupe)

Janissaire


Janissaire

Soldat d'une infanterie régulière turque, employée du xive au xixe s.

Corps de mercenaires institué par le sultan Orhan (1324/1326-1359), l'ocak des janissaires était composé d'enfants chrétiens enlevés à leurs familles ou fournis en tribut par les peuples vaincus. Infanterie redoutable, elle joua un rôle important dans les conquêtes de l'Empire ottoman. En raison de l'ingérence croissante des janissaires dans le domaine politique, Mahmud II les fit massacrer presque tous (1826) et abolit l'institution.

Chronologie
  • 1326 Début du règne d'Orhan qui créera le corps des janissaires ; il conquiert Brousse (Bursa) et en fait la capitale ottomane.
  • 1481 Bayezid II succède à Mehmed II à la tête de l'Empire ottoman, grâce à l'intervention des janissaires qui se prononcent en sa faveur ; son frère Cem Sultan (Djem) revendique le trône.
  • 1826 Suppression des janissaires.

 

dey

nom masculin

(turc dayi, oncle maternel)

 

  • Titre porté par le chef de la Régence d'Alger de 1671 à 1830. (Il était élu par les chefs corsaires, puis par les officiers de l'armée.)
  • Titre porté dans la Régence de Tunis par des chefs de section de la milice, puis par le commandant de l'armée (années 1590 et XVIIe s.) et enfin par un haut fonctionnaire de la justice.

 

bey

nom masculin

(turc beg, seigneur)

 

  • Titre porté autrefois par les officiers supérieurs de l'armée ottomane et les hauts fonctionnaires.
  • Titre de souverains vassaux du Sultan.

 

la Medjerda

en arabe Madjrada

Fleuve d'Afrique du Nord, issu des monts de la Medjerda en Algérie, qui coule surtout en Tunisie, où il se jette dans le golfe de Tunis ; 365 km.

La vallée, agricole (vignobles, oliveraies, céréales, fourrages), est aussi un axe de circulation et d'urbanisation.

 

fondouk

nom masculin

(arabe funduq)

 

  • Dans les pays arabes, entrepôt et hôtellerie de marchands.

 

 

Jules François Camille Ferry

Jules_Ferry

Jules Ferry

Avocat et homme politique français (Saint-Dié 1832-Paris 1893).

Journaliste au Temps, auteur de pamphlets (le Manuel électoral, les Comptes fantastiques d'Haussmann), il est élu député républicain de Paris en 1869 et rompt avec le Tiers Parti et l'Union libérale. Le 4 septembre 1870, il est de ceux qui entraînent le peuple parisien à l'Hôtel de Ville pour proclamer la république. Secrétaire du gouvernement de la Défense nationale, délégué à l'administration du département de la Seine (6 septembre), il remplace Étienne Arago comme maire de Paris (16 novembre). Lors des émeutes du 31 octobre et du 22 janvier 1871, qui ont lieu à la suite de la capitulation de Metz, il joue un rôle efficace pour protéger le gouvernement menacé. Mais les Parisiens lui reprochent de ne pas assurer un rationnement équitable, ce qui lui vaut le surnom de « Ferry-Famine », et il doit fuir la capitale le 18 mars 1871 au début de la Commune. Pendant un an (mai 1872-mai 1873), Ferry représente la France à Athènes. De retour à Paris après la chute de Thiers, il est élu président de la Gauche républicaine. Il sera presque continuellement au pouvoir de 1879 à 1885, soit comme ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts (février 1879-novembre 1881 ; janvier-août 1882 ; février-novembre 1883), soit comme président du Conseil (septembre 1880-novembre 1881 ; février 1883-mars 1885) ou comme ministre des Affaires étrangères (novembre 1883-mars 1885).

Il a accompli une œuvre considérable dans le domaine de l'Instruction publique. Anticlérical convaincu, il souhaite bâtir une France républicaine et laïque en excluant l'Église catholique de l'instruction publique et des Beaux-Arts.

Paul Cambon

Diplomate français (Paris 1843-Paris 1924).

Nommé après le traité du Bardo ministre résident de France en Tunisie (1882) puis résident général (1885), il y organisa le protectorat. Ambassadeur à Londres (1898-1920), il favorisa l'entente cordiale et le rapprochement anglo-russe de 1907.

Son frère Jules (Paris 1845-Vevey 1935) fut gouverneur général de l'Algérie (1891) puis ambassadeur à Washington (1897), où il offrit sa médiation dans le conflit États-Unis-Espagne (1898). Ambassadeur à Berlin (1907-1914), il négocia le contentieux entre la France et l'Allemagne au sujet du Maroc (1911). [Académie française, 1918.]

 

Léon Blum

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Léon Blum

Homme politique et écrivain français (Paris 1872-Jouy-en-Josas 1950).

1. Les années d'études et de dilettantisme

Léon Blum est reçu en 1890, à dix-huit ans, vingt-troisième de sa promotion à l'École normale supérieure. Après deux échecs consécutifs à la licence ès lettres (juillet et novembre 1891), il se spécialise dans le droit public et, à vingt-trois ans, est reçu au concours du Conseil d'État : il y entre comme auditeur.

La littérature occupe ses loisirs ; dès 1891, il collabore aux revues la Conque (où écrit aussi André Gide) et le Banquet, avec Fernand Gregh et Marcel Proust. En 1894, il devient l'un des rédacteurs habituels de la Revue blanche. Il écrit aussi au Gil Blas et à la Grande Revue. Bientôt, il devient chroniqueur dramatique du Matin, puis de Comœdia. Il publiera par la suite plusieurs essais : Nouvelles Conversations de Goethe avec Eckermann (1901), Du mariage (1907), Stendhal et le beylisme (1914).

L'affaire Dreyfus l'amène à la politique active. Il est ardemment dreyfusard. Une conversation avec Lucien Herr le conduit au socialisme ; il rejoint alors les intellectuels socialistes qui travaillent à réaliser l'unité et collabore à l'Humanité de Jean Jaurès ; en même temps, il siège au conseil d'administration de la Société nouvelle de librairie et d'édition, rue Cujas, qui publie la « Bibliothèque socialiste », et il y donne une analyse des congrès socialistes et ouvriers de 1871 à 1900. Cependant, le marxisme l'influence peu ; il croit avant tout au rôle des hommes et à l'action des idées.

2. L'engagement dans la vie politique et parlementaire

La mort de Jean Jaurès et le début des hostilités en 1914 jettent Léon Blum de nouveau dans l'action. Il devient chef de cabinet du ministre socialiste des Travaux publics, Marcel Sembat, et le demeure jusqu'en décembre 1916, où Sembat cesse d'être ministre. Dans une série d'articles anonymes réunis plus tard en brochure sous le titre la Réforme gouvernementale, il tire les leçons de son expérience. Partisan résolu de la défense nationale, il combat les socialistes « minoritaires », Paul Faure et Jean Longuet.

À une heure où l'unité socialiste semble menacée, on le pousse en avant pour qu'il joue un rôle de conciliateur. En avril 1919, Léon Blum rapporte devant le congrès le programme d'action que la SFIO présente aux électeurs. Le 16 novembre 1919, il est, de justesse, élu député de Paris (second secteur). Secrétaire du groupe parlementaire SFIO au congrès de Tours (décembre 1920), il critique les conceptions des partisans de la IIIe Internationale ; avec Paul Faure, devenu secrétaire général du parti, qui se reconstitue après la scission, Léon Blum, leader parlementaire et directeur du Populaire de Paris, travaille à reconstruire la « vieille maison » détruite par la rupture de l'unité.

À la tête de l'opposition, il préconise la nationalisation des chemins de fer et combat l'occupation de la Ruhr. Après la victoire du Cartel des gauches, le 11 mai 1924, il se prononce contre la participation socialiste au gouvernement ; il se rapproche alors des guesdistes. C'est l'époque où il distingue la conquête du pouvoir par la révolution et l'exercice du pouvoir dans le cadre du régime capitaliste, d'où il essaierait d'extraire le maximum de justice sociale. En 1933, il condamne avec vigueur les thèses néo-socialistes, qui, selon sa propre expression, l'épouvantent, et, en 1934, il se montre réservé, sinon hostile, devant le planisme d'Henri de Man.

3. Chef du gouvernement de Front populaire

Manifestation_du_Front_populaire_1936

Manifestation du Front populaire, 1936

Rallié à l'idée du Front populaire, dont il n'a pas été l'initiateur, Léon Blum est, au soir du 3 mai 1936, le leader du groupe le plus nombreux de la nouvelle majorité et revendique immédiatement le pouvoir. Après plusieurs semaines de consultations, qui confirment son souci de rester dans la légalité, il forme un cabinet avec les SFIO, les radicaux et les socialistes indépendants, mais sans les communistes, qui ont promis leur soutien, mais ont refusé leur participation. Sept ans avant de prendre le pouvoir, Léon Blum a écrit : « Je m'attribue sans excès de vanité une vue d'ensemble des affaires, une rapidité de jugement et de décision qui ne m'en rendraient pas incapable. » Cependant, son intelligence portée vers les analyses abstraites, ses moyens physiques discrets, s'ils parviennent à s'imposer aux foules grâce à un don d'extrême clarté dans l'exposition, ne les conquièrent pas comme l'éloquence d'un Jean Jaurès. Léon Blum, chef d'une coalition, risque d'être dépassé par le mouvement d'opinion qui l'a porté au gouvernement. Il n'en reste pas moins que son passage au pouvoir marque l'un des grands moments de la IIIe République.

La volonté de Léon Blum est d'appliquer le programme du Front populaire. Cependant, des difficultés imprévues surgissent, notamment une grande vague de grèves avec occupation. Par les accords Matignon, Léon Blum est obligé d'aller, dans le domaine social, plus loin que ne le prévoyait le programme. Par ailleurs, il décide de renforcer le contrôle de l'État sur la Banque de France, processus qui aboutira en 1945 à la nationalisation de celle-ci, préconise la nationalisation des industries de guerre et crée l'Office national du blé. Le surgissement de la guerre civile en Espagne lui pose de nouveaux problèmes ; jugeant impossible de se couper de la Grande-Bretagne et des radicaux, en apportant aux républicains espagnols l'aide dont ils ont besoin, il déçoit alors une partie de l'opinion.

En octobre 1936, il doit procéder à une dévaluation. Après avoir dû, en février 1937, proclamer une « pause » dans les réformes annoncées, Léon Blum, pris entre l'impatience des masses populaires et l'opposition des milieux conservateurs, est, le 21 juin 1937, obligé par le Sénat à démissionner. Pour ne pas briser le Front populaire, il accepte, malgré les réticences du parti socialiste, la vice-présidence du Conseil dans le cabinet Camille Chautemps qui se constitue alors. Il refuse d'entrer dans le suivant et forme, le 13 mars 1938, un nouveau cabinet, qui tombe devant le Sénat dès le 8 avril : c'est la dislocation du Front populaire. Hostile aux accords de Munich, qu'il vote par discipline de parti, Léon Blum est de plus en plus acquis à une politique de fermeté devant Hitler.

4. Les années difficiles

À l'Assemblée nationale de Vichy (juillet 1940), il est l'un des quatre-vingts parlementaires qui refusent de voter les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Arrêté le 15 septembre 1940, il est interné successivement à Chazeron (deux mois) et à Bourassol (une année). Un « conseil de justice politique », constitué par le gouvernement de Vichy, le condamne, le 16 octobre 1941, à la détention dans une prison militaire (fort du Portalet).

En février 1942, il est traduit, avec plusieurs inculpés, devant la cour de Riom (→ procès de Riom) sous l'accusation d'avoir trahi les devoirs de sa charge. Sa défense se révèle si efficace que le gouvernement suspend les débats (11 avril 1942). C'est pendant ces mois de détention qu'il rédige son livre À l'échelle humaine, où il expose sa conception humaniste du socialisme. Après l'occupation, par les armées allemandes, de la zone sud, il est déporté successivement à Dachau, à Buchenwald et dans le Haut-Adige, où il est libéré, en mai 1945, par une armée américaine venant d'Italie.

5. Les dernières années

Revenu en France, il s'installe dans une semi-retraite. Par des articles dans le Populaire, il exerce une influence que certains contestent ; par ses interventions dans les congrès, il précise les conditions nécessaires pour qu'il soit possible d'envisager l'unité avec les communistes. Une mission aux États-Unis que lui confie en 1945 Félix Gouin, alors président du gouvernement provisoire, l'amène à orienter la France vers l'atlantisme.

En décembre 1946, Léon Blum constitue un gouvernement socialiste homogène dont la mission est de mettre en place les institutions de la IVe République ; pour lutter contre l'inflation, il décide une baisse autoritaire des prix.

Après la démission du gouvernement Ramadier (novembre 1947), Vincent Auriol, devenu président de la République, le charge de former un gouvernement, qui, selon toute vraisemblance, va se trouver devant une vague de grèves. Mais, le 22 novembre 1947, au lieu des 309 voix nécessaires, Léon Blum n'en recueille que 300. Il est encore, en août 1949, vice-président du Conseil dans l'éphémère ministère André Marie, mais il meurt subitement le 30 mars 1950.

 

caïd

nom masculin

(arabe qā'id)

 

  • Chef militaire dans les pays arabes.
  • Populaire. Mauvais garçon qui impose son autorité à d'autres ; chef de bande.
  • Familier. Homme remarquable dans sa spécialité, puissant dans son milieu.

 

Gafsa

Ville de la Tunisie méridionale, chef-lieu de gouvernorat.

  • Population : 84 676 hab. (recensement de 2004)

Centre d'une région productrice de phosphates, évacués par chemin de fer vers le port de Sfax. Engrais. Oasis. Artisanat textile. Vestiges antiques.

 

Sousse

en arabe Sūsa

 

Sousse_Tunisie

Sousse, Tunisie

Port de Tunisie, chef-lieu de gouvernorat, sur le golfe d'Hammamet.

  • Population : 173 047 hab. (recensement de 2004)

Ribat (viiie s.), grande mosquée (ixe s.) ; remparts (ixe s.) et Casbah (xie-xive s.). Musée. Centre commercial (olives du Sahel de Sousse) et touristique. Huileries. Construction automobile.

 

Sfax

Sfax_Tunisie

Sfax, Tunisie

Port de Tunisie, sur la côte nord du golfe de Gabès.

  • Population : 265 131 hab. (recensement de 2004)

Deuxième ville du pays, c'est un centre administratif, commercial (fruits) et industriel (engrais à partir des phosphates de la région de Gafsa). Pêche (conserveries).

BEAUX-ARTS

Grande Mosquée fondée au ixe s. et souvent remaniée ; enceinte du ixe s.

 

campagne de Tunisie

(novembre 1942-mai 1943)

Opérations au cours desquelles les forces germano-italiennes furent, en 1943, chassées de Tunisie et d'Afrique du Nord par les troupes françaises, anglaises et américaines.

L'intervention allemande en Tunisie

Le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord le 8 novembre 1942 s'étant limité au Maroc et à l'Algérie, l'Allemagne réplique immédiatement en intervenant militairement en Tunisie dès le 9 novembre.

Soumis à des ordres contradictoires, le général Barré, commandant supérieur des troupes françaises, évacue Tunis et la plaine du Sahel pour s'installer sur nord-est de la Dorsale tunisienne, d'où il serait possible, une fois renforcé, d'interdire la jonction entre les troupes de von Arnim, débarquées au nord, et celles de Rommel, en retraite en Libye devant la VIIe armée du Britannique Montgomery.

Les hostilités entre Français et Allemands s'ouvrent à Medjez el-Bab le 19 novembre, pendant qu'une division britannique tente de marcher sur Tunis à compter du 22. Jusqu'à la fin décembre 1942, la situation se stabilise à hauteur de la dorsale orientale tandis que les adversaires se renforcent progressivement.

Rommel contre Montgomery

De janvier à février 1943, les troupes de l'Axe prennent l'initiative pour assurer leurs communications dans le Sahel. Du 18 au 27 janvier, von Arnim attaque à la jonction entre les deux dorsales en direction d'Ousseltia et contraint le 19e corps d'armée français (Kœtz) à abandonner une partie de la dorsale orientale.

Mais, surtout, le 14 février, Rommel, qui est rentré en Tunisie du Sud avec quelques jours d'avance sur Montgomery, lance une grande offensive sur les arrières alliés, en direction de Sbeïtla, Kasserine et Tébessa. Parvenu jusqu'à Thala, il s'arrête le 23 pour se retourner contre Montgomery, qui arrive devant la ligne Mareth.

La victoire des Alliés

Les Alliés réorganisent leurs forces : le 18e groupe d'armées (sous le commadement d'Alexander) regroupe la VIIIe armée (Montgomery) et la Ire armée (Anderson), qui comprend le 5e corps d'armée (Alfrey), le 19e corps d'armée (Kœltz) et le 2e corps d'armée US du général Patton.

Les Alliés ne réussissent pas à isoler les forces de l'Axe opérant en Tunisie du Nord, car, au sud, l'Italien Messe, qui a remplacé Rommel, mène adroitement sa manœuvre retardatrice d'abord sur la ligne Mareth, enlevée le 27 mars, ensuite sur l'oued Akarit (3 avril), enfin à la hauteur d'Enfidaville à compter du 13 avril.

L'attaque générale alliée reprend le 22 avril 1943. Le 7 mai, les Anglais sont à Tunis et, le 12, les dernières forces de l'Axe capitulent au djebel Zaghouan et au cap Bon.

 

Pierre Mendès France

mendès

Gaston Defferre et Pierre Mendès France

Homme politique français (Paris 1907-Paris 1982).

Avocat, député radical-socialiste (1932-1940), il rejoint Londres comme combattant volontaire dans l'aviation (1942). Ministre de l'Économie nationale (1944), il démissionne après le rejet de son plan d'assainissement financier (1945). Président du Conseil (1954-1955), il met fin à la guerre d'Indochine, accorde l'autonomie interne à la Tunisie, et rejette la Communauté européenne de défense. Vice-président du parti radical-socialiste (1955-1957), il est l'un des fondateurs du Front républicain, rassemblant la gauche non communiste, et devient après 1958 l'une des principales figures de l'opposition au régime présidentiel de la Ve République. Sa conception rigoureuse de la démocratie et de la morale politique, son souci de l'indépendance et de l'autorité du pouvoir ont marqué la vie politique française. Il a publié : la République moderne (1962), La vérité guidait leurs pas (1976).

Chronologie
  • 1954 Chute du camp de Diên Biên Phu (7 mai). Accords de Genève divisant le Viêt Nam en deux suivant le 17e parallèle et confirmant l'indépendance du Cambodge (20 juillet).
  • 1954 P. Mendès France, président du Conseil (juin).
  • 1955 Le gouvernement P. Mendès France est renversé (février).

 

guerre du Golfe (août 1990-février 1991)

La_guerre_du_Golfe_opérations_terrestres

La guerre du Golfe, opérations terrestres

 

Nom donné au conflit déclenché par l'invasion (1er-2 août 1990) et l'annexion du Koweït par l'Iraq et ayant opposé à ce pays une coalition d'une trentaine de nations conduite par les États-Unis.

L'Organisation des nations unies (ONU) ayant condamné l'agression irakienne et autorisé le recours à tous les moyens nécessaires pour rétablir la souveraineté koweïtienne, une force multinationale à prépondérance américaine et à participation arabe (Égypte et Syrie notamment), déployée dans le Golfe et en Arabie saoudite, intervient contre l'Iraq (17 janvier 1991) et libère le Koweït (28 février).

Chronologie
  • 1990 L'Iraq envahit et annexe le Koweït. Début de la guerre du Golfe.
  • 1991 Guerre du Golfe pour rétablir la souveraineté du Koweït.

 

annone

nom féminin

(latin annona, récolte de l'année)

 

  • Dans l'Antiquité romaine, produit de la récolte annuelle.
  • Approvisionnement en blé dans les greniers publics.
  • Impôt direct en nature perçu dans les provinces.
  • Administration des greniers publics et des distributions gratuites ou à bas prix.
  • Unité de salaire payée en nature aux fonctionnaires de l'Empire romain, au IVe s., en échange de bons sur les greniers.

 

 

Destour

 

Parti politique tunisien.

Habib_Bourguiba

Habib Bourguiba

Issu du mouvement « Jeune-Tunisie » du cheikh Thaalibi, il est fondé en 1920. Il revendique une Constitution (en arabe dustur) et la fin du protectorat français. Il se scinde en 1934 en un Vieux Destour et un Néo-Destour qui, dirigé par Habib Bourguiba, réclame l'indépendance et se transforme en parti de masse. Depuis la proclamation de l'indépendance (1956), il est le parti présidentiel. En 1964, il prend le nom de parti socialiste destourien et demeure le parti unique jusqu'en 1981. En 1988, après son arrivée à la tête de l'État, le général Ben Ali, le transforme en Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), et en fait progressivement un parti hégémonique.

Chronologie
  • 1934 Fondation du Néo-Destour, dont Habib Bourguiba devient le secrétaire général.

 

 

Habib ibn Ali Bourguiba

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Homme d'État tunisien (Monastir 1903-Monastir 2000).

Habib_Bourguiba

Habib Bourguiba

Militant nationaliste tunisien, Bourguiba fonde en 1934 le Néo-Destour et devient le « Combattant suprême » de la lutte contre l’impérialisme français. Après de longues années d’exil, il obtient l’indépendance de la Tunisie (1956) et fonde la République dont il devient le président en 1957. Prônant la « tunisification » et la laïcisation de la société, il mène une politique d’inspiration socialiste tout en maintenant l’ouverture à l’Occident. Très autoritaire, il amorce pourtant un virage libéral dans les années 1970, mais ne parvient pas à enrayer la crise générale qui affecte le pays dans les années 1980 et qui conduit à sa destitution par l’armée en 1987.

Le militant de l’indépendance tunisienne (1903-1956)

Avocat de formation, Bourguiba est frappé par les contradictions du système colonial français. Militant au parti nationaliste Destour, qu’il trouve bientôt trop timoré, il le quitte en 1934 pour fonder le Néo-Destour, au sein duquel il prône une version laïque et démocratique du nationalisme.

Orateur charismatique, infatigable combattant de la cause de l’indépendance, il passe l’essentiel des années 1938 à 1954 en exil, entre la France, l’Italie et l’EÉgypte, ce qui ne l’empêche pas de devenir l’interlocuteur incontournable de la métropole. En 1955-1956, après avoir triomphé des oppositions au sein de son parti, il arrache à la France l’autonomie, puis l’indépendance, de la Tunisie et obtient en 1957 la destitution du bey pour proclamer la république, dont il prend la présidence.

Le président de la république tunisienne (1957-1987)

Promoteur d’un régime personnel, Bourguiba impose à la Tunisie une laïcisation autoritaire et une étatisation de l’économie. Mais ses réformes d’inspiration socialiste (planification, coopératives agricoles, extension du secteur public, développement des industries légères) échouent en grande partie, du fait de la trop forte concurrence étrangère et d’une mauvaise organisation interne. Sa diplomatie se démarque de celle des autres pays arabes par son ouverture à l’Occident et son refus de l’intransigeance face à Israël.

Réélu à deux reprises à la tête de l’État, Bourguiba modifie la Constitution pour se faire reconnaître président à vie en 1974, alors que sa santé décline. Il ménage un prudent virage libéral, mais ne parvient pas à faire face au problème de la croissance démographique et se heurte à une opposition persistante, en particulier syndicale, qui débouche sur la répression de 1978.

Dans les années 1980, le pays s’enfonce dans la crise et, malgré un retour au pluralisme politique, Bourguiba devient de plus en plus impopulaire et doit faire face à la montée de l’islamisme et à de nouvelles émeutes à partir de 1984. Sa destitution en 1987 par le général Ben Ali est accueillie avec soulagement. Il reste en résidence surveillée jusqu’à sa mort en 2000.

1. Le militant de l'indépendance tunisienne (1903-1954)

1.1. Le futur fondateur du Néo-Destour (1903-1934)

Habib Bourguiba est le dernier-né d'une famille nombreuse de la petite bourgeoisie rurale. Son père, sans ressources, doit s'engager dans l'armée et devient officier de la garde du bey. À 8 ans, Habib assiste à la décapitation en place publique de deux opposants au régime. Il fréquente alors le collège Sadiki de Tunis, un foyer de la culture arabe. Puis il s'embarque pour Paris. De ses bonnes études au lycée Carnot, le jeune homme retient la tolérance et le respect de ses professeurs, mais aussi le racisme de l'homme de la rue.

Lorsqu'il rentre en Tunisie en 1927, armé d'une licence de droit et diplômé de sciences politiques, Habib Bourguiba est frappé du décalage entre les principes de la politique coloniale et son application, aggravé par les difficultés économiques du pays. Tout en exerçant sa profession d'avocat, il milite au sein du Destour : ce parti politique, fondé en 1920, revendique principalement une Constitution (dustur en arabe) pour le pays.

Du Destour au Néo-Destour (1927-1934)

Deux influences apparemment contradictoires sont à l'origine de l'engagement de Bourguiba pour la cause de l'émancipation tunisienne : d'une part, l'admiration que porte l'homme à la culture de la patrie des droits de l'homme ; d'autre part, le sentiment de révolte et d'humiliation né de l'occupation française et de son séjour en métropole. Comme d'autres leaders indépendantistes, il ne manque pas de relever la contradiction entre les grands principes diffusés par l'école de la République, parmi lesquels le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, et la réalité de la colonisation.

En 1932, Bourguiba crée son propre journal, l'Action tunisienne. Il juge alors les dirigeants du Destour bien trop timorés. C'est pourquoi, deux ans plus tard, avec quelques autres jeunes militants, il jette les bases d'une nouvelle organisation, lors du congrès de Ksar Hellal, près de Monastir : le Néo-Destour est né. Bourguiba en devient le secrétaire général.

1.2. Le chef de parti (1934-1938)
La lutte contre l’impérialisme français

Comme l'indique le nom du journal créé par le nouveau groupe (al-Amal, « l'Action »), les revendications ne sont guère conciliantes envers le pouvoir colonial : le Néo-Destour appelle à la résistance contre l'impérialisme français, jugé responsable de la misère du pays, et réclame l'indépendance de la Tunisie. Bourguiba encourage les manifestations qui dégénèrent en émeutes dans tout le pays. En accord avec les syndicalistes de la CGTT (Confédération générale tunisienne du travail), il appelle au boycott des produits français et lance un mot d'ordre de refus de l'impôt. L'homme commence à cultiver un style oratoire particulier et peaufine le caractère théâtral de ses apparitions.

Cependant, son activité politique inquiète sérieusement les autorités françaises. Sur ordre du résident général, représentant de l'autorité de la métropole sur le protectorat, Bourguiba et une cinquantaine de néo-destouriens sont envoyés en résidence surveillée dès 1934.

Un nationaliste laïque et démocratique

Libéré en mai 1936, il place alors ses espoirs dans le gouvernement du Front populaire qu'il tente de sensibiliser à la cause tunisienne. En vain : l'opinion française n'est pas prête à accepter la souveraineté du pays. De retour en Tunisie, Habib Bourguiba se fait le chantre d'une politique laïque et démocratique, à l'opposé des références islamisantes et arabisantes du Vieux Destour, avec lequel il entre en conflit ouvert.

En avril 1938, des manifestations organisées par le Néo-Destour tournent à l'émeute dans plusieurs villes du pays. Celles-ci sont mises en état de siège, le Néo-Destour, qui compte alors près de 60 000 adhérents, est dissous et ses publications sont suspendues. Habib Bourguiba et les chefs du parti sont à nouveau emprisonnés pour complot contre la sûreté de l'État.

1.3. Les années d'exil du « Combattant suprême » (1938-1954)

Internés au fort Saint-Nicolas de Marseille, Bourguiba et ses compagnons sont libérés par les Allemands en décembre 1942, pour être transférés à Rome. Les forces de l'l'Axe demandent à Bourguiba de coopérer. Persuadé de la victoire des Alliés, celui-ci refuse et appelle même clandestinement les destouriens à prendre contact avec les forces de la France libre.

En avril 1943, Bourguiba est ramené à Tunis, un mois avant l'entrée des Anglais dans la ville. Il retrouve un Néo-Destour affaibli, dont certains dirigeants n'ont pas hésité à se compromettre avec les forces de l'Axe. Il est lui-même mis en résidence surveillée par les autorités françaises dès la libération de la Tunisie (1943).

De Marseille, via Rome, à Tunis (1938-1945)

En 1945, il décide de quitter la Tunisie et s'embarque clandestinement pour Le Caire (il aurait traversé le désert libyen à pied), où il participe à la naissance du Comité de libération du Maghreb, présidé par Abd el-Krim. Bourguiba mène campagne auprès des États arabes et des pays anglo-saxons, sans grand succès. Il semble que c'est à cette époque qu'il gagne le surnom de « Combattant suprême ».

En échange d'une promesse de retour au calme dans le pays, il obtient la levée de son interdiction de séjour et reçoit un accueil triomphal à Tunis en 1947. Pendant quelques années, il développe un programme plus modéré et les autorités françaises concèdent quelques réformes. Mais en 1952, le nouveau gouvernement dirigé par René Pleven, favorable à une politique de fermeté, nomme le préfet Jean de Hauteclocque à Tunis. Les principaux chefs du Destour sont arrêtés et Bourguiba se retrouve à nouveau en résidence surveillée. La Légion ratisse une partie du pays qui devient le théâtre d'actions terroristes et antiterroristes (émeutes de Bizerte et de Menzel Bourguiba [ex-Ferryville], grève générale à Tunis).

2. Le fondateur de l'État tunisien (1954-1964)

2.1. Le discours de Carthage et l'autonomie de la Tunisie (1954-1955)
L’autonomie de la Tunisie

Le 31 juillet 1954, Pierre Mendès France effectue un voyage surprise en Tunisie pour dénouer la crise. À Carthage, sa déclaration solennelle ne laisse pas d'ambiguïté :« L'autonomie interne de l'État tunisien est reconnue et proclamée sans arrière-pensée par le gouvernement français. » Cet engagement de la France est le résultat de négociations entre le nouveau président du Conseil et le Néo-Destour (Bourguiba est alors assigné à résidence en France). L'autonomie interne de la Tunisie est reconnue par les accords du 3 juin 1955.

L’opposition au sein du Néo-Destour

Pour le Néo-Destour, l'autonomie interne ne représente qu'une étape. Et une fraction des néo-destouriens prend position contre ces accords : à leur tête, l'avocat Salah Ben Youssef, secrétaire général du Néo-Destour, lance une campagne contre Bourguiba, qu'il accuse d'avoir trahi la cause de l'indépendance. Ce dernier le fait exclure du parti. Salah Ben Youssef contraint à l'exil, Bourguiba sollicite l'appui des forces françaises pour écraser la rébellion des fellagas dans le sud du pays. Cette victoire montre le réalisme politique de Bourguiba, qui fait ainsi triompher sa stratégie des « étapes » face aux tenants du « tout ou rien ».

2.2. Naissance de la République tunisienne (1956-1957)

Décembre 1955 : sous la pression du Néo-Destour, le bey Lamine Ier décide la convocation d'une Assemblée nationale constituante. Grâce à une loi électorale qui enlève toute chance à ses rivaux, le Néo-Destour et ses alliés (associés pour l'occasion sous le nom de « liste d'Union nationale ») remportent tous les sièges. Le cabinet est exclusivement composé de destouriens. Pour la première fois, Bourguiba accède au pouvoir. Mais le nouveau leader de la Tunisie, qui n'entend pas gouverner dans l'ombre du bey, le fait déposer en juillet 1957 sous prétexte de complicité avec Ben Youssef. Soumise, l'Assemblée vote la déchéance de la dynastie à l'unanimité et Bourguiba devient le chef de l'État à titre provisoire, tout en conservant ses prérogatives de Premier ministre. Le 20 mars 1956, la France a officiellement reconnu l'indépendance de la Tunisie.

2.3. La mise en place du nouveau régime (1956-1964)
« Tunisification »

L'avènement de la nouvelle République marque le signal du départ pour les fonctionnaires, les ingénieurs français et les Européens de Tunisie. Les inscriptions en français disparaissent des bâtiments publics, les rues sont rebaptisées (à Tunis, l'avenue Jules-Ferry devient avenue Bourguiba). Une monnaie nationale est créée, le dinar. À peu près tous les secteurs de l’économie sont étatisés ; certaines branches de l’industrie sont contrôlées par l’État et une société nationale d’investissements est créée. La nationalisation des transports (1959-1960) complète cet ensemble de mesures et un plan triennal (1962-1964) prévoit la mise en place de l’agriculture nationale par la récupération des quelque 50 000 hectares de terres coloniales. Cette « tunisification » de l’économie n’est cependant pas complète et l’aide en capitaux surtout français et américains reste importante dans des secteurs comme le pétrole, l’industrie chimique ou les constructions mécaniques.

Laïcisation

L'œuvre de laïcisation du pays, chère au nouveau chef de l'État, est entreprise : ainsi, l'université de la Grande Mosquée al-Zaytuna est réformée et ses annexes provinciales sont transformées en écoles secondaires. La Grande Mosquée est strictement confinée dans ses fonctions de faculté de théologie, et l'enseignement primaire et secondaire est réorganisé. Les juridictions traditionnelles sont supprimées.

Un Code du statut personnel est promulgué, qui bouleverse la conception fondamentaliste de la famille : la polygamie est interdite, le divorce remplace la répudiation de la femme. Le nouveau code introduit le mariage par consentement mutuel. La femme tunisienne bénéficie dorénavant d'un accès au planning familial. Ces avancées sociales – sans équivalent dans la région – propulsent la Tunisie au rang des États modernes.

Un régime présidentialiste

Elles n'empêchent pas l'instauration d'un pouvoir personnel. La Constitution du 1er juin 1959 fonde un régime présidentialiste : le pouvoir exécutif est confié au président de la République, élu pour cinq ans au suffrage universel, qui choisit les membres de son gouvernement. En novembre 1959, Bourguiba, seul candidat, obtient 99,8 % des voix. En novembre 1964, il l'emporte avec plus de 96 % des suffrages.

Le pays est encadré par les organisations du Néo-Destour (qui deviendra en 1964 le parti socialiste destourien [PSD]). L'« État-parti » désigne les députés qui seront élus sur des listes uniques, contrôle les organisations de travailleurs, d'étudiants (Union des étudiants), de commerçants, d'industriels, de femmes (Union des femmes). L'armée, assignée aux tâches de maintien de l'ordre, mate les émeutes qui éclatent dans le pays au gré de la conjoncture économique.

3. La Tunisie de Bourguiba (1969-1987)

3.1. Le socialisme destourien (1964-1969)
Les objectifs du plan quadriennal de 1964

Les réformes économiques entreprises après 1964 mènent la Tunisie sur la voie d'un socialisme d'État. Elles sont inspirées et menées par le ministre de l'Économie Ahmad Ben Salah. Ancien secrétaire général de l'UGTT (Union générale des travailleurs tunisiens, fondée en 1948), Ben Salah, écarté par Bourguiba en 1960, retrouve les bonnes grâces du président au point de convaincre celui-ci que l'État doit prendre en charge la production et la distribution des biens. Un plan quadriennal est lancé, dont les objectifs sont posés au congrès de Bizerte en octobre 1964.

L'agriculture est organisée en coopératives vaguement inspirées de celles de l'Union soviétique et les fellahs sont transformés en « ouvriers coopérateurs » répartis en équipes de travail. Le secteur public est étendu à la distribution (magasins d'État) et au tourisme (hôtellerie d'État). À défaut des grands complexes industriels souhaités par le président, le pays développe ses industries légères, en particulier le textile et la confection.

Un échec complet

Après quelques années seulement, l'échec du système est patent : les réformes agricoles se heurtent à la résistance puis à la passivité des paysans et entraînent une baisse significative de la production. Les infrastructures du secteur d'État se détériorent, par manque d'entretien et du fait du gaspillage des crédits. Les industries se heurtent à la concurrence des entreprises étrangères et accumulent les déficits tout comme les coopératives agricoles. Quatre ans après le début des réformes, la Tunisie est au bord de la banqueroute. La dette du pays s'élève à 2,5 milliards de francs. La suppression de l'aide française à la suite de la confiscation des terres appartenant à des étrangers, dès le début des réformes, a largement contribué à l'aggravation de la situation financière du pays. Le blocage des salaires, la pénurie chronique des magasins d'État, l'arrestation de « saboteurs » et les rafles effectuées par la police dans les milieux ouvriers et paysans entretiennent l'agitation.

Le 6 septembre 1969, Ben Salah est brutalement démis de ses fonctions. Inculpé de haute trahison, il est jeté en prison et condamné à dix années de travaux forcés.

3.2. Une diplomatie originale
L’ouverture vers l’Occident

Alors même qu’elle intensifie l’effort de planification socialisante et qu’elle fait disparaître les derniers vestiges de la colonisation en obtenant, après une série d’incidents, l’évacuation de la base militaire de Bizerte par les Français en 1963, la Tunisie reste trop dépendante des capitaux de l’Occident pour lui tourner le dos. Bourguiba mène de 1966 à 1968 une tournée diplomatique en vue de resserrer les liens avec la CEE, l’Afrique noire, dans le cadre de la francophonie, le Canada et les États-Unis, ce qui lui vaut les critiques de l’opposition communiste, clandestine depuis 1962, comme de la centrale syndicale UGTT dont le leader, Habib Achour, est arrêté en 1966.

Les tensions avec le monde arabe

Dans le même temps, Bourguiba n’hésite pas à se démarquer du panarabisme et de l’influence exercée sur lui par l’URSS en entrant en conflit avec la République arabe unie de Nasser en 1966 et en se retirant de la Ligue arabe, reprochant aux « pays frères » leur intransigeance à l’encontre d’Israël. Un contentieux l’oppose aussi à la Libye sur la délimitation du plateau continental.

3.3. Les années de remise en question (1969-1978)
L'effacement de Bourguiba

On note pendant ces années un certain effacement du « Combattant suprême » : une première crise cardiaque en 1967 annonce une dégradation de l'état de santé du président qui s'accompagne d'une perte progressive de ses facultés. Réélu pour un troisième mandat en novembre 1969, Bourguiba fait accepter en 1974 la réforme constitutionnelle qui le transforme en président à vie. Pourtant, il délègue de plus en plus les responsabilités politiques, notamment à celui qui est son successeur désigné, Hedi Nouira, un ancien compagnon du Destour, qui cumule la charge de président du Conseil et celle de ministre de l'Économie.

Le tournant libéral

Hedi Nouira, partisan du retour à l'économie de marché, impose un tournant libéral au pays, bien que le discours officiel soit toujours celui du socialisme destourien. Les campagnes sont décollectivisées, ce qui permet une reprise de la production agricole ; la Tunisie s'ouvre aux capitaux étrangers grâce à une politique d'exonérations fiscales ; les entreprises étrangères sont invitées à construire des complexes hôteliers dans le pays.

Le problème démographique

La reprise économique se heurte cependant au problème de l'emploi : face à une croissance démographique importante, le nouveau gouvernement entreprend une difficile politique de limitation des naissances. En mars 1973, l'Office national de planification familiale est créé, à charge de multiplier les campagnes d'information et de diffuser des moyens contraceptifs dans le pays. Malgré le coup de frein ainsi donné à la natalité, l'augmentation de la population se poursuit. D'autre part la situation est aggravée par la fermeture des frontières de la France et de l'Allemagne qui ne veulent plus accueillir les candidats à l'émigration.

L’alerte de 1978

L’opposition persistante de l’UGTT débouche sur la grève générale du 26 janvier 1978, et les émeutes qui secouent les principales villes du pays entraînent un retour à la répression pure et dure : 51 morts et une nouvelle arrestation des dirigeants syndicalistes, dont Habib Achour. La montée de l'islamisme, longtemps bridé, rend la situation d'autant plus grave et se traduit en 1981 par la fondation du MTI (Mouvement de la tendance islamique).

3.4. La crise des années 1980 et le « coup d'État médical » de 1987
Le retour au pluralisme politique

Le 26 février 1980, Hedi Nouira est victime d'un infarctus qui l'éloigne définitivement du pouvoir. Muhammad Mzali, ministre de l'Éducation, assure l'intérim, avant de devenir Premier ministre le 8 novembre 1981, et entame une libéralisation politique, notamment pour faire face à la montée du MTI : les principaux partis d'opposition sont légalisés (le parti communiste, le Mouvement des démocrates socialistes [MDS] et le Mouvement d'unité populaire [MUP]) et peuvent se présenter aux élections de 1981, tandis que l'UGTT retrouve son autonomie.

La crise générale

Cependant, la situation économique se dégrade et l'augmentation du prix des produits céréaliers entraîne de violentes émeutes en 1984. L'année suivante, les pillages et les destructions frappent les grandes villes du pays. Les chars doivent intervenir à Tunis. Bourguiba renvoie Mzali, écarte son propre fils des responsabilités qu'il lui avait confiées et chasse sa femme, la très influente Wassila Ben Ammar, dont on a pu dire qu'elle avait mené jusqu'alors la politique du pays pour le plus grand bénéfice de sa famille.

Mzali est remplacé le 8 juillet 1986 par Rachid Sfar, qui hérite du pouvoir dans une situation dégradée : corruption généralisée de l'administration, clientélisme politique, menace intégriste (en 1986, les attentats ont frappé un autocar de touristes à Tunis, ainsi que plusieurs hôtels du pays). La politique de rigueur de Rachid Sfar est mal acceptée, et ce dernier est chassé par Bourguiba le 2 octobre 1987, au cours d'une violente crise de colère présidentielle.

La destitution de Bourguiba (7 novembre 1987)

Le ministre de l'Intérieur, le général Zine el-Abidine Ben Ali, est appelé au pouvoir pour une période transitoire. Nul ne songe qu'il puisse présenter quelque velléité d'ambition personnelle. Pourtant, Ben Ali sait par les rapports de police que l'opinion, lasse du régime et des intrigues de pouvoir, est favorable au changement. Le 7 novembre 1987, sept médecins sont appelés à constater la déchéance physique et intellectuelle du président. L'examen fait l'objet d'un communiqué officiel. Ben Ali rappelle l'article 57 de la Constitution stipulant qu'en cas d'empêchement absolu du chef de l'État, le Premier ministre est immédiatement investi des fonctions de président de la République.

Le coup d'État, qui s'est effectué sans effusion de sang, ne suscite aucune émotion majeure dans un pays soulagé. À la Chambre, les députés ovationnent le nouveau président et les pays occidentaux se montrent assez favorables au nouveau pouvoir.

Habib Bourguiba est mis à l'écart en résidence surveillée, à Monastir. Il meurt treize années plus tard, le 6 avril 2000.

Chronologie
  • 1934 Fondation du Néo-Destour, dont Habib Bourguiba devient le secrétaire général.
  • 1957 En Tunisie, H. Bourguiba proclame la république, dont il devient le président.
  • 1975 H. Bourguiba, président à vie de la Tunisie.
  • 1987 En Tunisie, destitution de H. Bourguiba.

 

Zine el-Abidine Ben Ali

en arabe Zīn al-‘Abidīn Bin ‘Alī

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Zine el-Abidine Ben Ali

Général et homme d'État tunisien (Hammam-Sousse 1936).

Quatrième enfant d'une fratrie de onze, ancien élève de Saint-Cyr, il complète sa formation militaire aux États-Unis à l'École supérieure de renseignement et de sécurité avant d'intégrer l'état-major tunisien. De 1958 à 1974, il occupe le poste de directeur de la sécurité militaire avant d'être nommé à la tête de la sûreté nationale (1977). Il fait réprimer les manifestations de janvier 1978. N'ayant pu empêcher l'attaque de la ville de Gafsa par un commando armé soutenu par la Libye et par l'Algérie, il est contraint de démissionner et est nommé ambassadeur de Tunisie à Varsovie (1980). Rappelé à Tunis après les émeutes sanglantes de janvier 1984, il retrouve la direction de la sûreté nationale, avant d'être successivement désigné secrétaire d'État à la sûreté (1985), ministre de l'Intérieur (1986) et Premier ministre en octobre 1987. Un mois plus tard, le 7 novembre, il dépose le président Habib Bourguiba pour « incapacité à gouverner ».

Accueilli avec soulagement, Ben Ali engage son pays sur la voie du changement (libéralisme, ouverture progressive aux investisseurs internationaux) et d'une relative démocratisation (autorisation du multipartisme, promotion de la femme, encouragement de l'arabisation de l'enseignement et développement d'un islam d'État). Il transforme le parti socialiste destourien, dont il est secrétaire général depuis 1986, en Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD). Ce vent de liberté est salué à l'intérieur comme à l'extérieur du pays.

Rapidement, le régime se durcit. Confirmé à la tête de l'État lors de l'élection présidentielle d'avril 1989, où, candidat unique, il est plébiscité avec 99,27 % des voix, Ben Ali instaure, après la découverte d'un « plan islamiste visant à la prise du pouvoir » en 1991, un régime autoritaire réprimant les islamistes du mouvement Ennahda, les communistes, les défenseurs des libertés et quiconque osant émettre la moindre forme de protestation ou de critique à l'encontre du pouvoir. Par le biais du RCD, dont la mainmise sur les institutions est omniprésente, le président règne en autocrate, anéantissant toute liberté d'expression, enfermant l'opposition et quadrillant la société civile. De ses alliés occidentaux, qui voient dans son régime un rempart contre l'islamisme, il obtient un soutien sans faille, et des Tunisiens qui s'estiment ainsi préservés du pire, une adhésion a minima. Enchaînant les réélections grâce aux scrutins détournés de 1994, de 1999, de 2004 (après avoir fait amender la Constitution par référendum en 2002 pour pouvoir se représenter à vie) et de 2009, il parvient à se maintenir à la tête du pays tout en étant honni d'une part grandissante de ses concitoyens. Le 14 janvier 2011 toutefois, il quitte le pouvoir après un mois de manifestations à l’origine de la révolution tunisienne. Réfugié en Arabie saoudite, il est condamné par contumace, ainsi que son épouse Leïla Trabelsi, au premier jour de leur procès ouvert le 20 juin, à 35 ans de détention et à des amendes de 45 millions d'euros pour détournement de fonds publics et malversations.

 

Saint Augustin

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Saint Augustin, la Cité de Dieu

Docteur de l'Église latine (Tagaste, aujourd'hui Souk Ahras, 354-Hippone 430).

Introduction

Saint Augustin, à la fois philosophe, théologien, pasteur et, pourrait-on dire, poète, est placé à l'un des « seuils » les plus étonnants de l'histoire des hommes. Derrière lui : la Rome antique, le monde ancien, païen encore sous le manteau chrétien. En 380, alors qu'Augustin a vingt-six ans, Théodose, que Gratien vient d'associer à l'Empire, édicte, à Thessalonique, que tous les peuples à lui soumis doivent « se rallier à la foi transmise aux Romains par l'apôtre Pierre ». Mais, la même année, Théodose doit abandonner la Pannonie aux Ostrogoths et établir les Wisigoths au sud du Danube ; en 392, Eugène usurpe le pouvoir impérial, mais c'est avec l'appui des soldats germains. En 397, les Wisigoths sont dans l'Illyricum, ces mêmes Wisigoths qui, en 410, s'emparent de Rome, alors que les Vandales passent en Espagne et de là en Afrique. Augustin mourant les entendra battre les murs assiégés de sa ville épiscopale.

La vie d'Augustin s'écoule ainsi au rythme des catastrophes, mais l'espérance chrétienne, unie à une vue très haute de l'histoire, lui permet de voir grandir, au-delà de l'immédiat désespéré, un monde nouveau voué à une vocation surnaturelle. La conscience, chez Augustin, du drame présent et de l'exaltation future de l'humanité se retrouve dans l'admirable Cité de Dieu, qui demeure, selon l'expression d'Henri Marrou, « le traité fondamental de la théologie chrétienne de l'Histoire ».

La vie de saint Augustin

Le temps du désordre

C'est dans une petite ville de Numidie que naît Augustin, le 13 novembre 354. Ce Romain d'Afrique appartient à l'une de ces familles provinciales qui, en 212, ont obtenu le droit de cité à la suite d'un édit libérateur de Caracalla. Romain, Augustin le sera tout entier par sa formation et sa tournure d'esprit ; l'Afrique, ce sera surtout la vénérable Église d'Afrique, portion la plus vivante de l'Église romaine. Son père, Patricius, est un petit fonctionnaire de la classe des curiales qui fait d'énormes sacrifices pour assurer à son fils une position sociale supérieure à la sienne. La formation intellectuelle d'Augustin- à Madaure puis à Carthage- est essentiellement latine ; sous la plume du docteur de l'Église, plus tard, les références aux meilleurs écrivains latins seront spontanées et continuelles.

Par ailleurs, si le jeune Augustin assimile parfaitement les méthodes et le processus de la rhétorique, il fréquente, un peu en autodidacte, mais avec passion, les philosophes latins, et aussi les grecs, dans le texte latin il est vrai ; car Augustin n'a pas été un helléniste, et c'est probablement le défaut d'assimilation directe de la culture et de la patrologie grecques qui a fait une partie de l'originalité de la pensée augustinienne.

Le père d'Augustin est païen ; sa mère, Monique, est chrétienne. Inscrit parmi les catéchumènes dès le début de son existence, il ne reçoit pas le baptême : il en est très souvent ainsi dans la primitive Église. On songe à le baptiser quand, vers sa douzième année, une maladie grave met ses jours en péril ; puis on n'en parle plus. Lui-même ne se presse pas ; mal surveillé par ses parents, livré à lui-même sous l'ardent ciel d'Afrique, Augustin semble avoir été emporté très jeune par l'ardeur des passions ; les aventures sensuelles ont certainement été nombreuses dans sa vie, à Carthage notamment, où ce bel étudiant aura un fils, Adéodat (né en 372), d'une jeune maîtresse à qui il restera lié durant quatorze ans.

Cependant, les liens charnels laissent intacte chez Augustin la quête de la vérité. Il est vrai qu'une formation religieuse insuffisante et les orages de la vie sentimentale brouilleront longtemps les pistes de cet itinéraire. C'est la méditation ardente de l'Hortensius de Cicéron qui entretient en lui un désir que, d'abord, la lecture de la Bible n'assouvit pas ; l'Écriture sainte semble à Augustin ne pouvoir satisfaire que les esprits simples et bornés. Hanté, comme beaucoup, par le problème du mal, il est gagné par le manichéisme, qui lui apparaît comme une forme supérieure du christianisme.

Ses études terminées, le jeune rhétoricien ouvre à Tagaste, à l'automne de 373, une école de grammaire. La vie dans sa ville natale lui est tout de suite intolérable : son père est mort chrétien ; sa mère le poursuit de ses objurgations à briser avec le désordre et le manichéisme ; un ami cher lui est enlevé par la mort. Dès 374, Augustin s'installe à Carthage et y enseigne la rhétorique : il y reste neuf ans, déçu semble-t-il par son enseignement et se détachant lentement de la doctrine manichéenne.

Vers la conversion

Des relations lui permettent d'établir sa chaire d'éloquence à Rome (383), puis à Milan (384), où le suit sa mère, et où il devient orateur officiel. C'est à Milan que la grâce l'attend ; mais il faudra deux ans de lutte pour qu'elle puisse s'engouffrer dans cette âme inquiète. Des conversations qu'il a eues, à la veille de son départ pour l'Italie, avec le grand homme des manichéens, Fauste de Milève, l'ont un peu plus éloigné de la doctrine de Manès. La lecture, à Milan, de Platon et surtout de Plotin et de Porphyre le projette au cœur de la philosophie néoplatonicienne, dont le christianisme milanais est imprégné ; c'est à la fois, dans l'âme d'Augustin, un émerveillement et un déblaiement auxquels concourt la prédication de l'évêque de Milan, Ambroise. Le monde spirituel, le monde des mystères s'ouvre aux yeux d'Augustin.

Tandis que l'Évangile lui révèle les deux grandes vérités inconnues des platoniciens- le Christ sauveur et la grâce qui donne la victoire-, les prières de Monique et des entretiens avec le futur successeur d'Ambroise, Simplicianus, qui lui raconte la conversion d'un célèbre rhéteur néoplatonicien, préparent la voie à la grâce. Celle-ci terrasse Augustin, en août 386, dans le jardin de sa maison de Milan, où il médite près de son ami Alypius. Une voix d'enfant lui dit : « Tolle ! lege ! » Il ouvre alors le livre des Épîtres de saint Paul qui, depuis quelque temps, lui sont devenues familières, et il tombe sur le chapitre XIII de l'Épître aux Romains : « Ayons, comme il sied en plein jour, une conduite décente ; ni ripailles, ni ivresse, ni débauche, ni luxure… Revêtez au contraire le Seigneur Jésus-Christ… ».

Quelques semaines plus tard, Augustin, renonçant à sa chaire, se retire, avec sa mère et quelques amis, dans la propriété d'un collègue, à Cassiciacum près de Milan. Il y vit dans une retraite préparatoire au baptême. Il est baptisé durant la vigile pascale (24-25 avril) de l'année 387, en même temps que son fils Adéodat et qu'Alypius.

À Cassiciacum, Augustin écrit ses Dialogues (Contra academicos, De beata vita …), échos de délicieux entretiens entre amis, auxquels Monique participe. En même temps se fortifie, chez Augustin et ceux qu'on peut déjà appeler ses disciples, le désir de se retirer du monde. À l'automne 387, Augustin est sur le point de s'embarquer à Ostie quand Monique meurt. Cet événement retient le néophyte plusieurs mois à Rome : il y emploie son éloquence à réfuter le manichéisme. En septembre 388, il part pour l'Afrique et, après un bref séjour à Carthage, se rend dans sa ville natale.

La conversion d'Augustin va naturellement s'épanouir et porter fruit dans le renoncement total aux biens terrestres, dans la pratique des conseils évangéliques, bref dans ce qu'on est convenu d'appeler la vie religieuse.

Augustin vend tout ce qu'il possède et en donne le prix aux pauvres ; ensuite, il se retire dans sa propriété de Tagaste, déjà aliénée, pour y vivre en commun dans la pauvreté, la prière et la méditation. De cette époque (388-391) datent plusieurs entretiens (De magistro, De vera religione …) inclus dans le Liber LXXXIII quaestionum. En 389, le fils d'Augustin, Adéodat, meurt.

À Hippone : le prêtre, l'évêque

Ayant été obligé de se rendre à Hippone, Augustin est reconnu par les fidèles alors qu'il prie à l'église : ils demandent à l'évêque Valère qu'il l'élève au sacerdoce ; malgré ses larmes, Augustin est ordonné prêtre. À ses yeux, le sacerdoce n'est qu'un moyen nouveau de mener la vie religieuse avec plus de ferveur. Son évêque, Valère, lui permet de s'installer dans les dépendances de l'église, où des disciples se groupent autour de lui.

La personnalité d'Augustin devait nécessairement rayonner hors de son « monastère ». Alors que, traditionnellement, la prédication, en Afrique, était réservée à l'évêque, Augustin se la voit confier, ce qui lui attire des jalousies ; en 393, au cours d'un concile réunissant à Hippone les évêques de Numidie, il prend la parole (discours De fide et symbolo). En même temps, Augustin lutte contre certains abus (banquets dans les chapelles des martyrs) et contre les manichéens, tel Fortunat, l'un de leurs docteurs.

En 395, le vieil évêque d'Hippone fait d'Augustin son coadjuteur et lui donne la consécration épiscopale. Un an plus tard, Valère étant mort, Augustin le remplace sur un siège qu'il allait occuper durant trente-quatre ans.

L'évêque Augustin reste, dans sa vie privée, un religieux ; son palais se transforme en monastère, où vivent, avec lui, des clercs qui s'engagent à mener une existence de pauvreté et à observer la règle commune fondée sur le dépouillement : ces hommes, que l'on peut déjà appeler des augustins, seront presque tous des fondateurs de monastères et des évêques qui enrichiront spirituellement l'Afrique du Nord. Augustin donne lui-même l'exemple de l'austérité : sa charité le pousse à vendre les vases sacrés pour racheter les captifs.

Ce religieux est avant tout un pasteur. En dépit d'une existence surchargée et d'une santé délicate, il est un infatigable prédicateur et catéchiste. Au xviie s., les mauristes établiront le texte de près de 400 sermons authentiques d'Augustin ; l'époque contemporaine révélera bien d'autres œuvres pastorales de l'évêque d'Hippone. Son action verbale se double d'un apostolat épistolaire qui le met en contact avec ce que le monde romain et chrétien comptait de plus insigne : de Paulin de Nola à saint Jérôme en passant par les papes et les empereurs.

Juge et administrateur, voyageur et négociateur à une époque où s'opère déjà, lentement, la métamorphose de l'Empire romain unitaire en société semi-féodale, Augustin le contemplatif prend encore le temps d'éclairer les âmes égarées ou hésitantes dans une œuvre écrite dont Possidius se demandait s'il serait jamais possible de la lire tout entière. Manichéens, donatistes, pélagiens sont au premier rang des adversaires qu'il combat, mais ses écrits ne sont pas seulement polémiques, leur connaissance est indispensable à quiconque veut faire le point de la théologie, de l'exégèse, de la pastorale au ve s., particulièrement dans cette vivante Afrique chrétienne dont tant de conciles furent animés par l'évêque d'Hippone.

Le docteur de l'Église

Des docteurs et des chefs manichéens qui subissent les coups de la dogmatique et de l'apologétique augustinienne, il faut citer : Félix, « élu » manichéen, qu'Augustin confond en conférence publique ; Faustus, Secundinus et, après 415, toute une série d'astrologues et de priscillianistes fatalistes.

Contre les donatistes, la lutte est plus dure, parce que se situant sur un terrain plus spécifiquement africain. En 312, les évêques de Numidie ont déposé illégalement l'évêque de Carthage, Cécilien, sous prétexte qu'il a été consacré par un traditor (un évêque renégat). À l'évêque intrus, Majorin, succède Donat.

Au regard du pontife romain, il s'agit d'un véritable schisme, et terriblement dangereux pour l'unité chrétienne, puisqu'en 330 un synode du parti donatiste rassemble 270 évêques. Comme les anciens « rebaptisants », les donatistes font dépendre la validité des sacrements de la foi et même de la pureté morale du ministre ; comme les novatiens, ils excluent de l'Église les pécheurs. Vient renforcer cette hérésie un mouvement nationaliste africain dont les tenants s'appuient sur le pauvre peuple berbère des campagnes non romanisées, à qui on oppose l'exemple du luxe des « occupants » romains.

En 391, alors qu'Augustin vient de s'installer à Hippone, une guerre impitoyable oppose en Afrique deux groupes d'évêques donatistes. Augustin, en vue de rétablir l'unité en Afrique, obtient du synode d'Hippone de 393 que les mesures ecclésiastiques prises contre les donatistes soient adoucies ; même esprit de conciliation au 5e concile de Carthage (401), dont les Pères demandent au pape Anastase d'autoriser les enfants donatistes à la cléricature.

L'évêque d'Hippone, dans ces années, publie, à l'usage des schismatiques, son curieux Psaume alphabétique, rédigé en latin populaire et en vers rythmés.

Il semble que les chefs donatistes aient répondu à cette attitude apaisante d'une manière injurieuse. Pressé par deux évêques africains- dont Evodius, ami d'Augustin-, l'empereur Honorius ordonne d'enlever leurs églises aux donatistes : ils résistent, mais un certain nombre se convertissent. Tout en approuvant la rigueur des lois, Augustin invite constamment ses adversaires au colloque. Enfin, un édit impérial du 14 octobre 410 ordonne une conférence entre évêques catholiques et donatistes. Cette réunion a lieu à Carthage, du 1er au 8 juin 411 : 286 évêques catholiques et 279 évêques donatistes y participent. Augustin domine le débat et, après avoir prouvé l'inanité des positions donatistes du point de vue historique et scripturaire, triomphe.

La législation antidonatiste n'en reste pas moins en vigueur : Augustin y oppose son esprit de modération. Cependant, le donatisme décroît peu à peu : l'invasion des Vandales lui portera le dernier coup.

Mais déjà la lutte contre les pélagiens sollicite le zèle d'Augustin. Influencé par un disciple de Théodore de Mopsueste, le moine breton Pélage, installé à Rome vers 400, attaque le dogme de la grâce ; après 410, fuyant Alaric, il débarque en Afrique avec son disciple Celestius. Pélage quitte bientôt la région ; Celestius s'installe à Carthage où, en 412, un concile condamne six de ses propositions. Ayant refusé de se rétracter, Celestius est excommunié.

Augustin réfute les doctrines pélagiennes, mais sans nommer Pélage, qu'il veut ménager. Cependant, ayant appris qu'un concile réuni à Diospolis (Lydda) en 415 a admis Pélage dans la communion catholique, Augustin fait adresser au pape Innocent Ier une longue lettre synodale qui demande une condamnation de la doctrine pélagienne. Pélage, ascète universellement respecté et entouré d'habiles dialecticiens, est un moraliste surtout soucieux de progrès spirituel, ce qui l'a amené à exalter le libre arbitre de l'homme et à minimiser fortement le rôle de l'intervention de Dieu, de la prédestination, de la grâce dans l'économie du salut. À quoi Augustin, inlassablement, opposera l'enseignement de saint Paul et la tradition de l'enseignement ecclésiastique sur la misère de l'homme abandonné à ses seules forces.

Innocent Ier loue les évêques africains antipélagiens ; mais Pélage adresse au successeur d'Innocent, Zosime (417-418), un libellus fidei qui trompe le pape : celui-ci reproche aux Pères d'Afrique leur précipitation, et exige qu'on envoie à Rome les accusateurs de Pélage.

Les évêques d'Afrique, réunis en concile en 417 et 418, supplient Zosime de maintenir la décision d'Innocent et rédigent, en neuf canons, une condamnation du pélagianisme, à laquelle le pape finit par acquiescer, et qu'il appuie dans une lettre circulaire. Durant cette période difficile, le rôle d'Augustin est déterminant : les principaux documents africains sont rédigés ou inspirés par lui.

La Tractoria du pape porte un rude coup au pélagianisme, qui résiste cependant longtemps encore. En Apulie, l'évêque Julien refuse avec 17 évêques de signer l'acte pontifical. Ils sont déposés et bannis ; Julien n'en continue pas moins à attaquer Augustin, qui publie contre lui divers traités antipélagiens. Dans le même temps, l'évêque d'Hippone obtient la rétractation d'un moine pélagien de Gaule, Leporius.

Cependant, les formules d'Augustin- rendues plus lapidaires par la polémique- troublent des catholiques qui trouvent que le grand docteur africain minimise par trop la liberté humaine au profit de la grâce. Dans le midi de la Gaule notamment, plusieurs prêtres et moines- dont le célèbre Cassien, abbé de Saint-Victor de Marseille-, ne pouvant admettre la gratuité absolue de la prédestination, cherchent une voie moyenne entre Augustin et Pélage : selon eux, la bonne volonté de l'homme précède et donc demande la grâce, que Dieu accorde en récompense. Augustin lutte contre ce semi-pélagianisme en montrant comment les désirs de salut sont eux-mêmes dus à la grâce de Dieu, qui reste maître de la prédestination de l'homme.

Cette longue lutte contre Pélage et ceux qui s'inspirèrent de sa doctrine a eu une influence capitale sur la mise au point de la théologie augustinienne du péché originel et de la grâce, ainsi que de la morale augustinienne de la concupiscence. L'augustinisme du xviie s. retiendra trop souvent, de l'enseignement antipélagien de saint Augustin, la dure image de la prédestination, alors que l'enseignement de l'évêque d'Hippone est environné d'une zone suffisante d'indétermination pour que sa doctrine nous paraisse, en fait, beaucoup plus humaine.

Un rayonnement universel

Selon la belle expression d'Henri Marrou : « philosophe de l'essence » contre les manichéens, « docteur de l'Église » contre les donatistes, « champion de la grâce » contre les pélagiens, saint Augustin fut aussi le « théologien de l'histoire » contre les païens. Sa Cité de Dieu préfigure et alimentera tout un courant chrétien de l'histoire, dont Bossuet, dans son Discours sur l'histoire universelle, est l'un des plus illustres représentants.

Comme Valère l'avait fait à son profit en 395, Augustin, vieilli et voulant éviter à Hippone les troubles d'une élection après sa mort, fait acclamer comme son auxiliaire et futur successeur le diacre Heraclius (426). Mais les dernières années du vieil évêque sont troublées par la querelle entre l'impératrice Placidie et le comte Boniface, et surtout par la dévastation de l'Afrique par les Vandales. Dès le début du siège- qui devait durer dix-huit mois- Augustin s'éteint, le 28 août 430. Son corps est déposé dans la basilique Saint-Étienne ; chassés par les Vandales, Fulgence et d'autres évêques d'Afrique l'emportent avec eux en Sardaigne (486). Cette dernière île ayant été occupée par les Sarrasins, les reliques de saint Augustin sont rachetées par les Lombards, qui les font déposer en l'église Saint-Pierre de Pavie. On les y aurait retrouvées en 1695. Sur les ruines d'Hippone a été élevée, de 1881 à 1900, une basilique en l'honneur de saint Augustin.

L'œuvre de saint Augustin

L'œuvre de saint Augustin est profondément enracinée dans l'Écriture sainte : on y a relevé 13 276 citations de l'Ancien Testament et 29 540 du Nouveau. Encore ne s'agit-il que des rappels formels du texte sacré : il serait impossible de comptabiliser les réminiscences bibliques plus ou moins conscientes de l'auteur. D'autre part, la pensée d'Augustin est essentiellement paulinienne.

Cette œuvre immense est très variée. Que ce soit en des notes rapides ou dans des dissertations de plusieurs milliers de pages, Augustin adapte sa pensée aux sujets les plus divers, aux interlocuteurs les plus dissemblables : rhéteurs raffinés, philosophes subtils ou humbles paysans des faubourgs d'Hippone. Ce spéculatif est d'une sensibilité extrême. Sa langue n'est pas décadente : elle est classique et pourtant vivante. Le latin d'Augustin sera, pour l'Église d'Occident, un instrument d'une grande efficacité.

L'augustinisme

La doctrine de saint Augustin

On cherchait en vain, dans l'œuvre de saint Augustin, une synthèse doctrinale rigoureuse. Cela tient au fait que l'effort du docteur d'Hippone est animé moins par la curiosité du vrai que par l'appétit de Dieu, bien suprême ; posséder est pour lui plus important que voir. Augustin a toujours reproché aux platoniciens leur orgueil. Pour lui, la Trinité n'est plus la Triade platonicienne avec ses hypostases satisfaisantes pour l'esprit ; c'est la patrie entrevue, où l'Esprit n'est plus seulement Vérité mais Charité, et vers laquelle conduit le Verbe incarné.

Chez Augustin, la recherche spéculative est toujours intégrée dans une recherche humaine ; la science est toujours soumise à la sagesse ; bref, Augustin est moins un théologien et un philosophe qu'un spirituel.

Et, cependant, on a pu dire très justement que c'est par Augustin que le platonisme est entré dans la théologie chrétienne, comme ce sera par saint Thomas d'Aquin qu'y entrera l'aristotélisme. Converti, n'ayant gardé que de médiocres souvenirs du paganisme et du manichéisme, l'évêque d'Hippone n'a vu, en dehors de la foi et de l'épanouissement dans les vertus théologales, que misère et désespoir. Pour lui, l'humilité est une disposition essentielle sur la voie du salut ; cette humilité s'en remet tout naturellement à la grâce du Christ pour triompher du péché toujours menaçant. D'où la lutte menée par Augustin contre le pélagianisme, forme de stoïcisme chrétien qui réduisait la grâce à n'être qu'une force humaine et le christianisme à n'être qu'une morale, alors que, pour Augustin, c'était essentiellement un mystère. Cette lutte contre les pélagiens l'amena parfois à donner à la doctrine de la prédestination une forme abrupte qui pouvait faire croire que celui qu'on a appelé le « docteur de la charité » mettait parfois en cause la bonté de Dieu.

L'augustinisme dans l'histoire

Jusqu'à l'avènement du thomisme, saint Augustin fut le grand maître de la pensée chrétienne en Occident. Cependant, les controverses nées durant l'existence du grand docteur africain ne s'apaisèrent pas aussitôt après sa mort. Si son autorité était généralement reconnue dès la fin du ve s., les semi-pélagiens, particulièrement nombreux dans les milieux monastiques de Lérins et de Marseille, prolongèrent durant près d'un siècle la querelle sur la grâce. Finalement, la condamnation du semi-pélagianisme et du prédestinationisme au concile d'Orange de 529 fit triompher ce qu'on a appelé un « augustinisme modéré ».

Chez tous les Pères et les écrivains ecclésiastiques du haut Moyen Âge, de saint Grégoire le Grand à Alcuin en passant par saint Isidore et Bède le Vénérable, et même saint Bernard, l'influence augustinienne a été prépondérante. L'augustinisme était alors caractérisé essentiellement, selon le Père Mandonnet, par l'absence d'une distinction formelle entre les domaines de la philosophie et de la théologie, par la prééminence de la notion de bien sur celle du vrai, de la volonté sur l'intelligence. Par ailleurs se fortifia un augustinisme politique- inspiré notamment par la Cité de Dieu-, tendance à absorber le droit naturel de l'État dans le droit surnaturel de l'Église ; c'est dans cette perspective que prend tout son sens l'onction royale ou impériale imposée par les papes ; l'action conjuguée du thomisme et du droit romain rénové rétablit par la suite des distinctions dont l'Église constantinienne et augustinienne avait perdu la notion.Le thomisme, pour s'imposer, au xiiie s., eut à triompher, surtout, de l'augustinisme ; quand le franciscain John Peckham reprochait aux scolastiques (1285) leur rationalisme, leur aristotélisme excessif, leur dédain des Pères, c'est en référence à saint Augustin, qu'il regrettait de voir oublié.

En fait l'augustinisme théologique et philosophique fut peu à peu absorbé par le thomisme, qui compléta et nuança la doctrine du docteur africain ; les religieux de Saint-Augustin eux-mêmes se mirent à l'école de saint Thomas. Désormais, comme le dit le Père Rotureau, « toute tentative de fidélité à saint Augustin dirigée contre saint Thomas aboutira à une perversion de l'augustinisme ». Ce sera, au xvie s., le prédestinationisme rigide des protestants ; encore que la Renaissance, la Réforme et la Contre-Réforme aient puissamment aidé à dépoussiérer l'œuvre de saint Augustin et- par opposition à une scolastique sclérosée- à revivifier d'augustinisme la spiritualité et la mystique modernes.

L'influence de saint Augustin fut énorme sur le xviie s., français surtout. Ce qu'on appelle l'école française de spiritualité- pour qui Jésus-Christ est le foyer animateur de toute vie spirituelle- s'est développé dans l'ombre d'Augustin. L'augustinisme a plus d'un point commun avec le cartésianisme ; à propos de la philosophie de Malebranche, on a pu parler d'un véritable « augustinisme cartésien » se développant au sein de l'Oratoire. C'est le xviie s. aussi qui vit se renouveler, avec le baïanisme et le jansénisme, les vieilles querelles du prédestinationisme, et s'affronter les deux interprétations, radicale ou mitigée, des théories antipélagiennes sur la grâce. Évidemment, le xviiie s. prit, dans ce domaine aussi, le contre-pied du xviie s. Inversement, la spiritualité du xixe s., plus haute, plus humaine que celle des siècles précédents, s'alimenta à l'augustinisme le plus substantiel. Et puis il y eut des philosophes chrétiens- Alphonse Gratry, Léon Ollé-Laprune, Maurice Blondel…- dont la parenté d'esprit témoigne de l'influence restée grande de l'éminent docteur africain.

Les familles religieuses qui se réclament de la « règle » de saint Augustin

Augustin, qui avait vu se développer à Milan des formes de monachisme, introduisit la vie monastique dans l'Afrique romaine. L'exemple qu'il donna lui-même à Tagaste et à Hippone fut imité en de nombreux diocèses africains. Parallèlement, son influence contribua à augmenter le nombre de jeunes filles et de veuves vouées au Seigneur. C'est pour elles qu'il écrivit, en 423, la Lettre qu'on a assez improprement appelée règle de saint Augustin. Car l'évêque d'Hippone n'eut jamais l'intention de légiférer en la matière, encore moins de fonder un ordre ; il a simplement tracé une ligne de conduite générale, discrète et libérale, pouvant être suivie aussi bien par des hommes que par des femmes, et dont l'essentiel consiste dans un idéal de désappropriation. On ne peut même pas affirmer que les « monastères » africains se soient tous inspirés de la fameuse Lettre. Il n'en reste pas moins que l'autorité d'Augustin a été prépondérante sur l'orientation du monachisme africain et occidental.

La règle de saint Augustin, c'est-à-dire sa Lettre enrichie de textes augustiniens et d'autres dont il est difficile d'établir la genèse et de suivre l'histoire, fut utilisée par de nombreux auteurs de règles anciennes (de Saint-Victor, d'Arrouaise). C'est à partir du xie s. que cette règle connut une fortune nouvelle. On trouva alors qu'elle s'adaptait très bien à une forme spécifique de la vie religieuse des temps féodaux : les chanoines réguliers. Parmi les communautés de chanoines subsistant actuellement, on doit citer : les chanoines réguliers de Saint-Augustin, les chanoines réguliers du Latran, les chanoines hospitaliers du Grand-Saint-Bernard, les Prémontrés. C'est à saint Augustin que saint Dominique demanda d'abord l'inspiration de sa règle, quitte à y ajouter des constitutions complémentaires importantes.

À peu près en même temps que les chanoines réguliers se multiplièrent les ermites, qui s'inspirèrent aussi de la règle augustinienne. En 1254, le pape Alexandre IV les regroupa en un seul ordre dit « ermites de Saint-Augustin », ou simplement Augustins, qui comptèrent jusqu'à 2 000 couvents au xive s. et connurent diverses réformes, notamment celle des récollets (xvie s.). En 1567, le pape Pie V les mit au nombre des ordres mendiants, à la suite des carmes : c'est à cet ordre qu'appartint Luther. Actuellement, les Augustins comptent environ 6 000 religieux répartis en trois branches : ermites de Saint-Augustin, récollets de Saint-Augustin, ermites déchaussés.

Depuis la fin du xiiie s., un grand nombre de familles religieuses ayant eu à choisir entre les quatre grandes règles approuvées ont adopté la règle de saint Augustin. Les plus importantes sont : les Trinitaires, les Mercédaires, les Servites, les Camilliens, les Hiéronymites. Parmi les congrégations récentes, il faut citer les Assomptionnistes ou Augustins de l'Assomption.

La plupart des ordres et des congrégations d'hommes se réclamant de saint Augustin ont ou ont eu leur équivalent féminin. Il existe encore plusieurs communautés de chanoinesses de Saint-Augustin, dont beaucoup ont été regroupées en une fédération (dite « de Malestroit »). Quant à l'appellation d'Augustines, elle est généralement réservée aux religieuses hospitalières, desservant les hôtels-Dieu ; il existe de nombreuses communautés diocésaines d'Augustines (une vingtaine en France).

 

Chronologie
  • 396 Augustin, évêque d'Hippone.
  • 413-426 La Cité de Dieu, ouvrage de saint Augustin, défense des chrétiens que les païens accusaient d'être responsables de la chute de Rome.
  • 1640 Parution de l'Augustinus, ouvrage posthume de Jansénius, ainsi nommé parce qu'il prétend exposer la doctrine de saint Augustin sur la grâce et la prédestination. Condamné par Urbain VIII en 1642, il fut à l'origine des polémiques qui alimentèrent la querelle janséniste en France.

 

Saint Louis

.(Poissy 1214 ou 1215-Tunis 1270), roi de France (1226-1270).

Petit-fils de Philippe Auguste et grand-père de Philippe le Bel, Louis IX – plus connu sous le nom de Saint Louis – est l’un des maillons essentiels de l’histoire de la dynastie des Capétiens. Son règne a contribué à fonder l’idée de l’incarnation d’un pouvoir politique et spirituel en un homme singulier et non plus seulement en un Dieu universel. Si son action politique a atténué les excès de la féodalité au profit de la notion d’intérêt général, l’idée de justice, profondément associée à sa personne, et les croisades ont pour leur part assuré la postérité spirituelle de Louis IX.

La minorité de Louis IX

Blanche de Castille, régente du royaume

Né le 25 avril 1214 à Poissy, le futur monarque est le troisième enfant de Louis VIII le Lion et de Blanche de Castille. Héritier du trône après la mort de son frère aîné, Louis est âgé de douze ans lorsqu’il succède à son père le 7 novembre 1226. Il est sacré à Reims le 29 novembre de la même année.

Louis IX est proclamé majeur en 1234, mais il laisse à sa mère la conduite des affaires au moins jusqu’en 1242. Jusqu’à cette date, et de nouveau de 1248 à 1252, pendant la croisade d’Égypte, le sort du royaume est ainsi entre les mains de l’énergique Espagnole qu’est Blanche de Castille. La régente maintient en place les conseillers expérimentés de Philippe Auguste et de Louis VIII (frère Guérin, chancelier de France, et Barthélemy de Roye, chambrier de France) et fait appel aux membres des familles seigneuriales d'Île-de-France depuis longtemps attachées à la dynastie capétienne (Gautier Cornu, archevêque de Sens et remarquable ministre ; Mathieu de Montmorency, connétable de France et habile homme de guerre). Elle bénéficie en outre des conseils d’un Italien, Romain Frangipani, cardinal de Saint-Ange et légat du pape.

La soumission du Languedoc

Depuis 1209, la situation en pays cathare est préoccupante, tout comme l’attitude du comte Raimond VII de Toulouse. Par le traité de Paris du 11 avril 1229, qui met un terme définitif à la croisade des albigeois, la régente impose au comte de Toulouse d’accepter l’annexion au domaine royal des sénéchaussées de Nîmes-Beaucaire et de Béziers-Carcassonne, et de donner en mariage sa fille et unique héritière Jeanne de Toulouse au frère du jeune roi, Alphonse de Poitiers.

La révolte des barons

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Sacre de Saint Louis

Avec le concours de son conseiller italien Romain Frangipani, la régente brise la révolte de Philippe Hurepel, fils de Philippe Auguste et d’Agnès de Méran, auquel se joignent les barons hostiles à ce que la régence soit exercée par une femme (surtout étrangère) : le comte de Champagne, Thibaud IV et surtout le baillistre de Bretagne, Pierre de Dreux, dit Mauclerc. Ébauchée à l'automne 1226, marquée par d’inquiétantes abstentions au sacre de Louis IX le 29 novembre, une première coalition féodale échoue dès le printemps 1227.

Mais elle se reconstitue presque aussitôt. Mis en échec par les Parisiens, qui prennent sous leur protection le jeune roi, vaincus dans le Perche en janvier 1229, privés de l’appui du comte de Toulouse en avril 1229, les révoltés reprennent les armes en 1230 avec l’appui du roi d'Angleterre Henri III, qui est accueilli à Saint-Malo le 3 mai par Pierre Mauclerc. La soumission de Philippe Hurepel en septembre, le retour outre-Manche du Plantagenêt en octobre mettent fin à la révolte avant que la paix avec l’Angleterre et la Bretagne ne soit consolidée, par les trêves de juillet 1231, qui laissent à Louis IX Bellême et Angers (où il fait édifier un château fort). Ces trêves sont confirmées par les accords de Paris de novembre 1234 avec Pierre Mauclerc et d'août 1235 avec Henri III ; elles permettent à Blanche de Castille de léguer à son fils un royaume en paix.

Le règne personnel de Louis IX

La réforme administrative du royaume

La réforme administrative du royaume, inaugurée par Philippe Auguste et par Louis VIII, est poursuivie avec vigueur par Louis IX. Maintenant en place l’Échiquier, les vicomtes et les sergents institués par les Plantagenêt en Normandie, le souverain subordonne les uns et les autres à la Curia Regis et à des officiers originaires de l’Île-de-France ou de l’Orléanais, auxquels il fait également appel pour renforcer son autorité dans les pays de la Loire.

Prévôts et baillis y sont donc introduits, ces derniers cessant alors d’être des inspecteurs itinérants pour devenir des administrateurs nommés, payés et révoqués par le roi pour exercer leurs fonctions dans le cadre d’une vingtaine de circonscriptions bien distinctes entre lesquelles est désormais divisé le vaste domaine royal : les bailliages, appelés sénéchaussées dans le Centre-Ouest et le Midi languedocien, et, plus simplement, mais exceptionnellement, prévôté à Paris. Recrutés soit dans la petite noblesse locale, soit dans la bourgeoisie, tel Étienne Boileau, prévôt de Paris de 1258 à 1267, ces officiers se constituent alors en dynasties, dont la plus célèbre est celle des Beaumanoir, père et fils : ils sont tour à tour baillis en Gâtinais vers 1240-1250 et à Clermont-en-Beauvaisis vers 1280. Ces officiers sont contraints de respecter de strictes règles de gestion, définies par l’ordonnance de 1254.

Les officiers royaux sont étroitement surveillés par des enquêteurs qui ont pour mission de fixer les droits et les devoirs de chacun et de transmettre par écrit toutes les plaintes à Paris, où la cour du roi commence à se subdiviser en sections spécialisées : le Conseil, qui traite plus spécialement des affaires politiques ; la Curia in parliamento, qui s’érige alors en parlement, ayant à la fois le rôle de cour suprême dans certaines affaires et surtout de juridiction d’appel des décisions des tribunaux de bailliage ; la Curia in compotis, enfin, berceau de la future Cour aux comptes.

Les grandes ordonnances

C’est dans le sens d’un affermissement des prérogatives royales que s’inscrivent les ordonnances de 1263 et de 1265. Désormais, la monnaie royale jouit d’un cours forcé sur tout le royaume, et dès 1266 on frappe deux nouvelles monnaies : un gros d’argent et une pièce d’or. Le règne de Louis devient celui de la « bonne monnaie » qu’évoqueront avec nostalgie les générations suivantes. Ces décisions, impopulaires chez les barons, répondent à un souci d’ordre moral tout en affirmant la supériorité du pouvoir royal. Et c’est bien là l’originalité du règne de Louis IX : la combinaison de la spiritualité et de l’intérêt du royaume, en l’occurrence celui de la monarchie.

Louis IX est également à l’initiative des nombreuses autres grandes ordonnances, notamment celles de 1254 (interdiction des jeux de hasard et d’argent), de 1258 (interdiction du duel judiciaire et de la guerre privée) et de 1262 (confirmant la tutelle royale sur les villes).

L’extension du domaine royal

Louis IX doit faire face au soulèvement cathare en Languedoc en 1240, et surtout à l’intervention anglaise consécutive au défi que lui adresse Hugues de Lusignan le 25 décembre 1241. Vaincu à Taillebourg et à Saintes le 31 juillet 1242, le roi Henri III d’Angleterre se réfugie à Blaye, tandis que Raimond VII signe la paix de Lorris, qui confirme en janvier 1243 les clauses du traité de Paris de 1229 et permet aux troupes royales de faire tomber les dernières places albigeoises : Montségur en 1244, Quéribus en 1245.

À partir de 1256, Louis IX place sous sa dépendance étroite son gendre le comte Thibaud V de Champagne, auquel il rachète ses droits sur les comtés de Blois, de Chartres, de Châteaudun et de Sancerre afin d’étendre le domaine royal – qu’il a en revanche amputé du Poitou et de l’Anjou pour constituer les apanages de ses frères Alphonse et Charles afin de respecter les vœux ultimes de son père Louis VIII.

Reconnaissant sa puissance au traité de Paris (28 mai 1258, ratifié en décembre 1259), le roi d’Angleterre Henri III consent à redevenir l’homme lige du roi de France et à lui céder définitivement la Normandie, le Maine, l'Anjou, la Touraine et le Poitou en échange de la restitution de ses fiefs et domaines dans les diocèses de Limoges, de Cahors et de Périgueux, et de l’expectative des biens que possède Alphonse de Poitiers en Agenais et en Saintonge au sud de la Charente.

Enfin, dans le même esprit que pour le traité de Paris, Louis IX signe en 1258 le traité de Corbeil avec le roi d’Aragon : il renonce à ses droits sur le Roussillon et Barcelone, tandis que le souverain aragonais abandonne toute prétention sur la Provence et le Languedoc, Narbonne exceptée (par son mariage avec Marguerite de Provence, Louis IX avait acquis un droit de regard sur la France du Sud et ouvrait ainsi de nouvelles perspectives à la monarchie capétienne).

La symbolique du pouvoir

Souverain convaincu de la dignité royale et des devoirs inhérents à sa charge, Louis IX a développé toute une symbolique du pouvoir. Ainsi organise-t-il la nécropole royale à Saint-Denis après 1239 : dans le chœur reconstruit de l’abbatiale apparaissent exclusivement les tombeaux des rois et des reines ayant régné sur la France depuis les Carolingiens, témoins de la supériorité du sang royal et de la continuité des dynasties.

C’est également au nom de cette très haute idée de la fonction royale que le roi conduit ses relations avec les autres souverains européens.

Pour exemple, Louis IX – chrétien, mais épris d’équité – ne se croit pas contraint de soutenir la papauté contre l’empereur germanique Frédéric II, mais prend sous sa protection le concile de Lyon au cours duquel Innocent IV excommunie solennellement l’empereur en 1246-1247. De même, le roi de France condamne par la « mise d’Amiens » de 1264 les barons anglais révoltés qui ont imposé à Henri III les provisions d’Oxford.

Louis IX, un roi croisé

La VIIe croisade

 

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Louis IX

En décembre 1244, à la suite d’une grave maladie, Louis IX fait le vœu personnel de se croiser. Aucune remontrance de son entourage ne parvient à le détourner de son projet, quelles que soient les inquiétudes que suscite une inévitable régence.

Le pape Innocent IV réunit à Lyon un concile qui se tient en août 1245 et envoie un légat prêcher la croisade. Louis va consacrer trois ans à préparer son expédition et à réorganiser son administration. En 1247, une grande enquête est confiée à des moines mendiants pour relever toutes les injustices commises auprès des populations et y porter remède. Le roi se montre aussi soucieux d’assurer la paix intérieure que la paix extérieure. Espérant convaincre les Mongols de l’intérêt d’une alliance militaire contre les sarrasins, il leur envoie une ambassade menée par André de Longjumeau.

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La prise de Damiette, en 1249, par saint Louis (septième croisade)

Le roi, accompagné de son épouse, de son frère Charles d’Anjou et du légat pontifical, quitte le royaume le 25 août 1248, laissant la régence à sa mère Blanche de Castille. Il a été convenu de diriger l’attaque vers l’Égypte, et l’armée royale débarque près de Damiette après avoir fait étape à Chypre. Pour des raisons qui tiennent au choix du terrain et à la division des forces occidentales, et en dépit du succès initial de la prise de Damiette, l’expédition est un échec certain : le roi est fait prisonnier à Mansourah le 5 avril 1250. Avec l’aide de son épouse, qui tient Damiette, Louis négocie sa rançon et celle de ses chevaliers (Damiette et 500 000 livres sont offertes au sultan d’Égypte) et obtient une trêve de dix ans avec l’Égypte.

Louis ne rentre pas pour autant immédiatement en France et aide les villes chrétiennes (Jaffa, Sidon, Acre) à renforcer leur défense et leur administration. Ce n’est qu’après avoir appris la mort de sa mère (Blanche de Castille s’éteint en décembre 1252, mais la nouvelle ne parvient aux croisés qu’au printemps 1253) que le roi accepte de rentrer en France. Louis IX entre à Paris le 7 septembre 1254, après six années d’absence.

La VIIIe croisade et la mort

Toutefois, Louis IX n’abandonne pas l’espoir de prendre sa revanche en Terre sainte. En mars 1267, il prend de nouveau la croix, trois ans avant de s’embarquer, le 1er juillet 1270, pour Tunis, dont il pense que l’émir al-Mustansir Bi-llah est disposé à se convertir et à lui apporter son aide militaire contre l’Égypte. Mais la nouvelle était fausse : lors du siège de la ville, l’armée est décimée par la peste, qui emporte Louis le 25 août. Charles d’Anjou ramène en France, avec son armée, le corps du roi, qui est enterré à Saint-Denis auprès de ses ancêtres.

La canonisation de Saint Louis

Aussitôt après sa mort, Louis IX apparaît comme un saint aux yeux de son entourage et de ses sujets. Aussi, dès 1272, une demande de canonisation est-elle déposée auprès du pape. En 1278, Nicolas III ordonne une enquête, et c’est pendant le pontificat de Boniface VIII, en 1297, qu’est accordée la canonisation. Cette décision répond à un souci politique et sert les intérêts de la monarchie capétienne, fière de compter désormais un saint dans ses rangs. Tout en reconnaissant les vertus du roi, l’Église a surtout voulu sanctifier un laïc, un homme de son temps qui a su mener sans ostentation une vie édifiante. C’est ainsi que passe à la postérité l’image de Saint Louis, roi juste et pieux.

Saint Louis, un homme de son siècle

Des élans spirituels

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Saint Louis lavant les pieds des pauvres

Élevé « noblement » par sa mère dans la crainte du péché mortel, Louis IX fait preuve dès son avènement d’une profonde piété. Grand et mince, mais de santé délicate, il s’astreint pourtant à assister chaque jour à la totalité de l’exercice divin. Fortement inspiré par les ordres mendiants – le souverain apprécie la compagnie des dominicains et des franciscains –, il est un auditeur passionné de sermons. Il aime citer des exemples et des anecdotes qui lui permettent d’affirmer sa foi.

Sa piété s’appuie sur les œuvres, sur des aumônes généreuses, comme sur la participation aux travaux de construction de l’abbaye de Royaumont, fondée grâce à un legs de son père. Louis est également très attaché aux reliques : en 1239, il rachète aux Vénitiens celles de la Passion (couronne d’épines, clou du Christ en croix), que ces derniers avaient reçues en gage de Baudouin II ; afin de leur donner un cadre digne d’elles, il fait construire entre 1241 et 1248 la Sainte-Chapelle, à Paris.

Une personnalité complexe

Mince, de haute taille mais de santé fragile, le roi est blond et élégant. Son caractère est volontiers emporté, et il a le sentiment très vif de son autorité. S’il écoute sa mère, c’est parce qu’il est convaincu de la pertinence de ses conseils plutôt que par docilité. Peu expansif dans ses témoignages d’affection, il semble avoir été très attaché à Marguerite de Provence, qu’il épouse le 27 mai 1234, alors qu’il vient d’atteindre sa majorité. Le couple aura onze enfants ; le roi restera toujours attentif à leur éducation. Il demeure également proche de ses frères : Robert, auquel il confie l’Artois ; Alphonse, nanti de l’apanage du Poitou et soutien efficace ; Charles, enfin, installé en Anjou et qu’il doit, à plusieurs reprises, rappeler à l’obéissance.

Chroniqueurs et biographes

Les témoignages des contemporains sont exceptionnellement abondants, et c’est là, certainement, l’une des raisons de la célébrité de Saint Louis.

Jean de Joinville, proche du roi lors de la septième croisade (1248-1254), rédige en 1309 un Livre des saintes paroles et des bons faits de notre roi Louis. Au lendemain de la mort du roi, son confesseur, Geoffroi de Beaulieu, et son chapelain, Guillaume de Chartres, qui l’a accompagné lors de ses deux croisades, s’attachent également à relater sa vie. Par ailleurs, Guillaume de Saint-Pathus, confesseur de Marguerite de Provence, puis de sa fille Blanche, a écrit une Vie de Louis. Outre-Manche, le témoignage du chroniqueur Matthew Paris utilise largement les souvenirs du roi Henri III d’Angleterre, compagnon de Louis IX lors de la septième croisade. Enfin, le roi lui-même a laissé des Enseignements, rédigés lors du siège de Tunis, à l’attention de son fils Philippe qui lui succède sous le nom de Philippe III le Hardi.

 

Chronologie
  • 1226 Le roi de France Louis VIII prend la direction de la croisade contre les albigeois et meurt sur le chemin du retour ; Louis IX lui succède.
  • 1229 Fin de la croisade contre les albigeois et rattachement du Languedoc au royaume de France.
  • 1248-1250 Septième croisade.
  • 1248-1250 Les croisés de Louis IX (saint Louis) s'emparent de Damiette ; le roi, fait prisonnier à Mansourah, est libéré contre la restitution de Damiette.
  • 1253-1255 Guillaume de Rubroek est reçu par le grand khan à Karakorum.
  • 1257 Fondation de la Sorbonne par Robert de Sorbon.
  • 1266 Charles Ier d'Anjou devient roi de Sicile.
  • 1268 Le sultan Baybars Ier s'empare d'Antioche, ce qui provoque l'organisation de la huitième croisade.
  • 1270 Lors de la huitième croisade, le roi de France, Louis IX, parti d'Aigues-Mortes, débarque à Carthage ; son frère, Charles d'Anjou, met fin à la croisade et conclut un traité de commerce avantageux avec le souverain hafside al-Mustansir.
  • 1270 Après la mort de Louis IX près de Tunis, lors de la huitième croisade, Philippe III le Hardi lui succède sur le trône de France.

 

Charles V ou Charles Quint

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Charles Quint

(Gand 1500-Yuste, Estrémadure, 1558), empereur germanique (1519-1556), prince des Pays-Bas (1506-1555), roi d'Espagne (Charles Ier) [1516-1556], roi de Sicile (Charles IV) [1516-1556].

1. L'héritage

1.1. Héritier des Habsbourg et de la maison de Bourgogne

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Titien, Charles Quint à la bataille de Mühlberg

L'histoire de Charles Quint, c'est d'abord et principalement l'histoire d'un héritage. Son ascendance explique peut-être les bizarreries et les contradictions de son caractère. Le vainqueur de la bataille de Mühlberg fièrement campé sur son cheval de bataille tel que l'a fixé pour l'éternité le pinceau du Titien, c'est l'arrière-petit-fils du terrible Charles le Téméraire, le duc de Bourgogne.

Le prince mélancolique hanté par l'au-delà qui renonce avant sa mort à « l'empire sur lequel le soleil ne se couche pas » pour se retirer dans un couvent d'Estrémadure, c'est le fils de Jeanne la Folle, la fille cadette des Rois catholiques Ferdinant II d'Aragon et Isabelle Iere de Castille.

Une forte piété teintée d'humanisme

Si sa jeunesse et son éducation se déroulèrent en milieu flamand, il faut remarquer que celui-ci avait été déjà fortement marqué d'esprit espagnol et autrichien. Sa tante Marguerite d'Autriche, fille de l'empereur Maximilien Ier, avait été sa première éducatrice. Si sa langue naturelle était le français et s'il eut toujours des difficultés à parler un allemand correct, il n'était nullement un prince bourguignon. Il n'avait hérité des ducs de Bourgogne ni leur exubérance physique ni leur goût pour une vie somptueuse.

Ses précepteurs furent Guillaume de Croy, seigneur de Chièvres, qui restera un conseiller écouté, Charles de La Chaux et le doyen de Louvain Adriaan Floriszoon, le futur pape Adrien VI. Ce dernier, adepte de la Devotio moderna, lui inculqua une foi très vive, teintée de simplicité et d'un certain humanisme.

De nombreuses études insistent sur la religiosité de Charles, sur son « providentialisme » qui lui faisait voir l'action directe de Dieu dans tous les événements, trait mental caractéristique de cette époque. Autre trait remarquable, sa forte volonté, qui s'affirme à partir de son mariage en 1526 avec Isabelle de Portugal (1503-1539).

1.2. L'héritier de dix-sept couronnnes

L'héritage de Charles Quint, préparé par l'habile politique matrimoniale de son grand-père paternel, Maximilien d'Autriche, ce sont aussi les possessions qui, réunies, formeront un des plus grands empires des Temps modernes.

Maximilien, ayant épousé Marie de Bourgogne, a, en effet, préparé la transmission à Charles Quint du double héritage bourguignon et autrichien. Dès 1506, Charles, à la mort prématurée de son père Philippe le Beau, devient maître des Pays-Bas (de la Flandre à la Groningue) et de la Franche-Comté (fief d'Empire).

En 1519, lors du décès de Maximilien, il incorpore à ses domaines les territoires autrichiens des Habsbourg (archiduchés de Haute- et Basse-Autriche, duchés de Styrie, de Carniole et de Carinthie, comté du Tyrol, landgraviat de Haute-Alsace). Entre-temps, il a été mis en possession, à la mort de son grand-père maternel Ferdinant II d'Aragon (1516), et au détriment de sa mère Jeanne la Folle, des royaumes de Castille, d'Aragon, de Naples, de Sicile, ainsi que des immenses colonies espagnoles d'Amérique. En plus, lui échoit le Nouveau Monde, récemment découvert par Christophe Colomb qui lui donne le nom d'« Indes occidentales », et bientôt entièrement conquis.

Élu empereur grâce à deux tonnes d'or

À la mort de son grand-père paternel en 1519, Charles, déjà souverain d'une partie de l'Europe, prétend à sa succession. Il lui faut toutefois compter avec un rival en la personne du roi de France François Ier. Ce dernier a dépensé pas moins de 400 000 écus (soit 1,5 t d'or) pour acheter la voix des sept Électeurs : les princes-archevêques de Trèves, de Mayence et de Cologne, le roi de Bohême, le duc de Saxe, le comte palatin du Rhin et le margrave de Brandebourg.

Mais Charles, soutenu par les banquiers Fugger, se montre plus prodigue encore : il met en jeu 850 000 florins (soit 2 t d'or). Élu le 28 juin 1519, il coiffe la couronne impériale le 23 octobre 1520, à Aix-la-Chapelle, et devient alors Charles Quint.

2. Début du règne et premières difficultés

2.1. Étranger pour les Espagnols…

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L'empire de Charles Quint

La première difficulté est de faire accepter son autorité par les Espagnols. Contre lui jouent le particularisme de l'Aragon et les droits particuliers des provinces, les fueros, sans compter l'hostilité de Castillans partisans de sa mère Jeanne la Folle, enfermée au château de Tordesillas, mais considérée par eux comme la seule souveraine.

Les Espagnols voient aussi d'un mauvais œil son élection à l'Empire, redoutant un souverain trop tourné vers les affaires de l'Europe centrale. Ils manifestent leur résistance envers Adriaan Floriszoon (le régent étranger qu' a institué) Charles, leur hostilité aux servicios (impôts) et leur volonté de défendre leurs privilèges et leurs traditions, et dans laquelle entre aussi une large composante antiseigneuriale. En outre, les maladresses du jeune roi distribuant les emplois aux Flamands plutôt qu'aux Espagnols achèvent d'exaspérer les passions.

Aussi, lorsqu'en 1520 le nouvel empereur part visiter l'Allemagne, la révolte éclate-t-elle aussitôt, dirigée de Tolède par Juan de Padilla et son épouse María Pacheco. Cette révolte, dite des Comuneros, est à la fois aristocratique et populaire. Les insurgés sont vaincus à Villalar en 1521, et Juan de Padilla est exécuté. Adriaan Floriszoon, est l'artisan de cette victoire.

2.2. … comme au sein de l'Empire, trop vaste et morcelé

Lorsque l'empereur revient en Espagne en 1522, accompagné d'un nouveau chancelier, Mercurino Arborio, marquis Gattinara, il peut y imposer un pouvoir qui ne sera désormais plus jamais contesté et se consacrer aux grands problèmes de politique extérieure : ceux posés par l'Empire et la Réforme et ceux issus de ses luttes contre la France.

Dès 1519, il s'est heurté à François Ier à propos de l'élection impériale. Le roi de France n'a pas seulement en vue sa gloire personnelle, mais aussi des raisons impérieuses : les possessions de Charles Quint encerclent la France d'une manière presque parfaite.

Mais la réalité politique de l'Empire de Charles Quint est assez différente des apparences. Car, malgré ses efforts, l'empereur est considéré dans l'Empire comme un étranger, et, sauf dans ses États héréditaires d'Autriche, il n'y jouira jamais d'un bien grand pouvoir. En fait, la trop grande étendue de ses possessions comme leur diversité sont une cause de faiblesse que saura exploiter le Valois.

3. La lutte contre la France

3.1. Les enjeux

La France, seul royaume assez puissant pour s'opposer à son hégémonie, est encerclée et vouée, semble-t-il, à un démantèlement rapide, Charles Quint souhaitant récupérer les éléments de l'héritage bourguignon annexés par Louis XI à la mort du Téméraire : duché de Bourgogne et Picardie. La lutte avec la France n'a pas seulement des enjeux matériels : il s'agit aussi de deux idéaux politiques qui s'affrontent ; d'une part, l'antique rêve impérial hérité des Hohenstaufen et de Charlemagne ; de l'autre, celui d'une conception nationale de l'État, dont la France est le champion.

3.2. Premières victoires

Le conflit avec la France, commencé en 1521, débute bien. Les Français, victorieux au-delà des Pyrénées, sont battus dans les Pays-Bas. Le roi d'Angleterre Henri VIII se déclare pour Charles Quint, qui bénéficie aussi du soutien du pape. La trahison du connétable Charles de Bourbon compense l'échec de l'empereur en Provence.

Voulant renouveler en Italie les exploits de Marignan, François Ier est fait prisonnier à Pavie en 1525 et conduit en Espagne. Il y signe l'année suivante le traité de Madrid pour obtenir sa libération ; il consent alors à restituer la Bourgogne et ses droits sur la Flandre et l'Artois.

Sur ces trois derniers points, le traité ne sera pas exécuté par les Français, mais l'occupation de Milan livre à l'empereur une riche place bancaire, un centre industriel de première importance (métallurgie d'armement), dont il fait également une plaque tournante assurant les liaisons impériales entre l'Allemagne et ses possessions méditerranéennes.

3.4. L'échec du rêve bourguignon

Le roi de France compte à juste titre avec l'effroi suscité en Europe par la trop grande puissance de son ennemi. Bientô, Clément VII, pape de 1523 à 1534, se met à la tête d'une ligue composée des principaux États d'Italie ; mais cette intervention n'aboutit qu'au sac de Rome par les soldats du connétable Charles de Bourbon (1527).

Cependant Henri VIII à son tour se rapproche de François Ier ; la paix des Dames (ou de Courtrai), en 1529, consacre l'échec de Charles Quint dans la reconquête de la Bourgogne, qu'il appelle avec nostalgie : « notre pays ».

3.5. Le conflit contre Luther

Mais, déjà, d'autres difficultés éclatent : l'élan de la Réforme ne peut être brisé. D'ailleurs, le respect marqué par le souverain au début de son règne pour la pensée et la personne d'Érasme, la prééminence intellectuelle que celui-ci exerce sur l'Europe du premier tiers du xvie siècle expliquent la facilité avec laquelle les idées érasmiennes se répandent dans tous les pays dépendant de Charles Quint ; leur diffusion facilite celle des idées luthériennes, bien qu'Érasme, malgré la sympathie qu'il témoigne à l'homme de Wittenberg (→ Luther), se soit toujours refusé à rompre avec Rome.

La mise au ban de l'Empire de Luther et sa condamnation par la diète de Worms, réunie par Charles Quint en avril-mai 1521, n'arrêtent pas la Réforme ; bien que condamnés par Luther, des troubles sociaux inspirés par ses idées éclatent dans les classes pauvres de l'Allemagne du Sud et de l'Ouest (guerre des paysans, 1524-1525). Surtout, de nombreux princes allemands (en particulier les trois Électeurs de Saxe, de Brandebourg et de Palatinat) renoncent au catholicisme et sécularisent à leur profit les biens du clergé. Enfin, après l'impossible conciliation de la diète d'Augsbourg (1530), les princes protestants d'Allemagne fondent en 1531 la ligue de Smalkalde, qui s'allie à François Ier.

3.6. L'échec de Charles Quint

En 1542, les hostilités recommencent après le refus de Charles Quint d'accorder au roi de France l'investiture du Milanais ; cette fois-ci, le roi d'Angleterre est aux côtés de l'empereur. Après avoir envahi la Provence (1536) et la Champagne (1544), ses troupes sont vaincues à Cérisoles (1544). Mais les troubles en Allemagne le forcent à la paix de Crépy-en-Laonnois, paix qui, comme les précédentes, ne règle rien. Elle permet toutefois à Charles Quint d'avoir les coudées franches dans l'Empire.

Les princes luthériens s'étant de nouveau révoltés, l'empereur les fait mettre au ban de l'Empire à la diète de Ratisbonne. La bataille de Mühlberg, qu'il remporte le 24 avril 1547 sur les rebelles, semble marquer l'apogée du règne. François Ier vient de mourir et Charles ne se connaît plus d'ennemis.

Mais l'accalmie est de courte durée, car des protestants battus sur le terrain militaire, il exige le retour au sein de l'Église. Pour ce faire, il rédige un tèglement, l'Intérim d'Augsbourg (15 mai 1548). Il songe même à rendre la couronne impériale effectivement héréditaire à son profit : le premier bénéficiaire serait son fils, le futur Philippe II.

Mais ses projets s'effondrent. À la diète d'Augsbourg, tout accord se révèle impossible, et l'empereur ne peut obtenir pour son fils la couronne impériale. Au même moment, Maurice de Saxe se révolte de nouveau, forme une ligue et s'allie au nouveau roi de France, Henri II. Celui-ci trouve contre Charles Quint de nombreux appuis politiques et financiers. Et c'est en terre d'Empire que, sur le conseil d'un prince lorrain, François de Guise, Henri II, sans renoncer d'ailleurs à l'Italie, lui porte le coup le plus sensible en occupant sans difficulté les trois évêchés de Metz, Toul et Verdun (→ les Trois–Évêchés, 1552), que le duc de Guise défendra efficacement contre un retour offensif de l'empereur (siège de Metz, 1552-1553).

C'est en évoquant cette époque de la vie de l'empereur que Voltaire écrira : « La puissance de Charles Quint n'était alors qu'un amas de grandeurs et de dignités entouré de précipices. »

Pour en savoir plus, voir l'article guerres d'Italie.

4. La croisade contre le Turc

4.1. Charles Quint, unique champion de la chrétienté devant la menace turque

Mais la lutte contre les Valois n'épuise pas tous les aspects de la politique extérieure de Charles Quint. Un conflit latent oppose aussi l'empereur au sultan Soliman le Magnifique. La France de François Ier a signé avec les Ottomans les fameuses capitulations, qui lui assurent en Asie Mineure une situation politique et économique privilégiée (1531). Charles Quint reste le seul champion de la chrétienté devant la menace turque. Contre celle-ci, il bénéficie de l'appui des Allemands, y compris des protestants, le vieux réflexe chrétien jouant par-delà les divisions. Il peur aussi s'appuyer sur la Perse, ennemie traditionnelle de la puissance ottomane.

Comme empereur, Charles Quint doit surveiller la frontière de Hongrie. Là, son frère Ferdinand lui apporte de précieux secours en négociant avec la diète impériale la levée de subsides et de troupes. En 1532, il enverra des soldats espagnols sur la frontière orientale de l'Empire et se mettra lui-même à la tête de l'armée.

Comme roi d'Espagne Charles doit défendre la Méditerranée, mais plutôt dans sa partie occidentale, contre les raids incessants des pirates barbaresques, qui ont leur point d'attache sur toute la côte maghrébine.

Le règne de Charles Quint sera constamment troublé par ces luttes contre un Empire ottoman alors au zénith avec Soliman le Magnifique.

Au début, c'est une série d'échecs pour l'empereur. En 1521, le Turc prend Belgrade ; l'année suivante, il prend Rhodes, dernier vestige des conquêtes des croisés du Moyen Âge et dont sont chassés les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, auxquels en compensation, Charles Quint abandonnere la souveraineté de l'île de Malte. En 1526, à la bataille de Mohács, le roi de Hongrie, Louis II est tué. Ferdinand, le frère de Charles Quint, s'empresse de recueillir sa succession, mais un compétiteur, Jean Zápolya, prince de Transylvanie obtient l'aide de Soliman en échange de son vasselage et peut ainsi obtenir la plus grande partie du pays. Un redressement partiel s'opère en 1529 lorsque Soliman est arrêté sous les murs de Vienne.

 

Le conflit se déplace alors en Méditerranée occidentale. François Ier a recourt aux services des vaisseaux ottomans ou à ceux de Khayr al-Din Barberousse. Celui-ci s'étant emparé de Tunis (1534), Charles Quint entreprend une grande expédition contre lui en 1535. Il fait rentrer dans la ville son allié, le dey Hasan, qui en a été chassé, et ramène en Europe plus de vingt mille chrétiens ainsi soustraits à l'esclavage.

Mais c'est le dernier grand succès de l'empereur en ce domaine. La mort de Jean Zápolya (1540) provoque une nouvelle avance turque en Hongrie. Soliman occupe toute la partie centrale, avec Buda, qui devient une principauté vassale où règnent les successeurs de Jean Zápolya. Au même moment, les armées impériales essuient une sévère défaite à Alger (1541). Les Turcs auront dès lors la prépondérance maritime en Méditerranée pour de longues années. Plusieurs places stratégiques d'Afrique sont perdues pour les chrétiens : Tripoli, dont s'empare le corsaire Dragut (1551), puis Peñon (1554) et Bougie (1555).

 

5. L'or des Indes

5.1. La Casa de Contratación 

Ses véritables succès, et définitifs ceux-là, Charles Quint les remporte en Amérique. Les découvertes des mines d'argent et d'or vont en effet provoquer un afflux de métaux précieux en Espagne, puis en Europe, et favoriser l'expansion en Occident du grand capitalisme commercial. L'exploitation économique des possessions américaines (on disait à cette époque les « Indes ») est assurée depuis 1503 par une énorme administration, la Casa de Contratación  ; celle-ci maintient ces provinces dans un état de sujétion qui les oblige à acheter des produits espagnols ou acheminés par la métropole et à demeurer, en revanche, productives de denrées ou de matières premières (métaux précieux notamment) réclamées par l'Espagne.

5.2. Des rentrées de capitaux trop tardives…

Mais ce rôle d'exportateur d'or et d'argent, ce n'est pas aussitôt la conquête terminée que le Nouveau Monde peut le jouer. On a calculé que, durant la majeure partie du règne de Charles Quint, le rapport de production annuelle d'argent fut supérieur pour l'Europe : 59 t en moyenne contre 31 pour l'Amérique. C'est seulement à partir de 1545, avec la découverte des mines d'argent de Potosí dans le haut Pérou et après l'échec du mouvement pizarriste (1544-1548) dirigé contre Charles Quint, que la situation change.

Pour 1548, les chiffres de la production d'or et d'argent au Pérou sont encore de 300 millions de maravédis (monnaie espagnole), mais ils atteignent en 1549 la somme énorme de 2 milliards 565 millions de maravédis (la proportion de l'or et de l'argent étant de 2 milliards 430 millions pour l'argent contre 135 millions pour l'or).

On peut supposer que, si ces richesses étaient arrivées trente ans plus tôt, les résultats de la politique étrangère de Charles Quint eussent été différents, l'argent étant le « nerf de la guerre ». Mais lorsque les métaux précieux affluent dans les caisses impériales, les jeux sont déjà faits, les Turcs ont triomphé en Méditerranée, les princes protestants allemands se sont considérablement renforcés et la France n'a pas cédé un pouce de son territoire.

5.3. … et destructrices

De cet afflux d'argent, la conséquence la plus importante pour l'avenir de l'Espagne est le déséquilibre économique qu'il instaure durablement dans le pays et qui l'affaiblira peu à peu. L'or des « Indes » va ruiner l'Espagne, qui n'est que le canal par où il passe pour soutenir des guerres et acheter à l'étranger, en France principalement, des produits manufacturés. Ainsi, les Espagnols exportent leur laine brute qui, en France et en Angleterre, est transformée en toiles : celles-ci sont revendues fort cher en Espagne, où la plus grande partie de ce commerce est aux mains d'étrangers.

De plus, le pouvoir ne touche qu'indirectement à l'argent des galions, la plus grande partie étant assignée à des traitants avec lesquels le prince passe contrat pour entretenir ses armées ou sa cour. Ces financiers, la plupart du temps étrangers, non seulement prêtent à gros intérêt, mais jouissent du privilège d'emporter leurs capitaux hors d'Espagne.

Toute la vie économique espagnole est suspendue à l'arrivée des convois d'Amérique à Séville. Cette ville commerçante est cosmopolite, car les bateaux de la Hanse, de la Flandre, de la France et de l'Italie s'y pressent pour apporter leurs produits manufacturés à destination des « Indes ». Si ces produits sont rechargés sur des navires espagnols, qui ont seuls le monopole de commercer en Amérique, la métropole ne fournit en revanche que très peu de chose à ses colons. Ici encore, l'or ne fait que passer.

S'ensuivront au cours des règnes suivants la décadence des villes et la disparition de l'esprit d'entreprise d'une bourgeoisie qui ne songera bientôt plus qu'à acheter des titres d'État et des rentes foncières.

6. La fin du règne

6.1. La préservation de l'unité politique de l'Empire

Après la trahison d'Innsbruck, Charles Quint, déçu, se retire aux Pays-Bas, dont le territoire s’est accrû, grâce à lui, de la Frise en 1523, d'Utrecht et de l'Overijsel en 1528, de Groningue et de la Drenthe en 1536, du duché de Gueldre et du comté de Zutphen en 1543.

Charles fait plus encore pour ces provinces : il leur donne plus de cohésion au moyen de deux décrets. Celui d'Augsbourg en 1548 regroupe toutes les provinces de l'ancien empire bourguignon, plus celles que l'empereur y a ajoutées, en un seul cercle, celui de Bourgogne. Par là même, il prépare l'unité politique de la région. Une pragmatique sanction règle le droit successoral, de sorte que les parties constituantes du cercle ne puissent être séparées à sa mort.

Il détache aussi les Pays-Bas de l'Empire et les dispose à passer dans l'héritage de son fils, le futur roi d'Espagne. Une administration commune (conseil d'État, conseil privé, conseil des Finances) sous la sage autorité de sa tante Marguerite d'Autriche d'abord, de sa sœur ensuite, Marie de Hongrie, à partir de 1530, accentue l'unité du pays, si bien qu'après l'abdication de l'empereur, Philippe II lui succédera sans heurt.

6.2. La paix d'Augsbourg

Charles Quint voit au même moment la paix religieuse rétablie en Allemagne. Car la guerre de religion, prolongée par un conflit entre l'Électeur de Saxe et Albert de Brandebourg, a épuisé le pays. La disparition de Maurice de Saxe à la bataille de Sieverhausen (1553) prive le camp protestant de son chef ; l'incurable lassitude de Charles Quint permet de convoquer une diète pour mettre fin à la lutte. Elle se réunit à Augsbourg en 1555, mais en l'absence de l'empereur, qui y a délégué son frère.

La paix d'Augsbourg, signée le 3 octobre, reconnaît officiellement la présence du protestantisme dans l'Empire. Cependant, négociée par les luthériens, elle reste empreinte de leur esprit. Elle n'admet pas la liberté religieuse des personnes ; seul l'État – c'est-à-dire les princes ou les ville – est libre de choisir entre les deux confessions. Cela est reconnu solennellement par l'empereur ; mais, à l'intérieur de l'État, les populations doivent obligatoirement suivre la religion des souverains ou des magistrats ; à s'y refuser, elles risquent l'exil. C'est là l'énoncé du fameux principe cujus regio, ejus religio. Du calvinisme ou des autres confessions protestantes, il n'est fait aucune mention.

Des dispositions particulières règlent les problèmes de sécularisation des biens. Afin de simplifier les choses, on décide que tous les faits accomplis en ce domaine jusqu'en 1552 seront tenus pour légitimes. Mais, désormais, tout bénéficiaire ecclésiastique devra, s'il passe au protestantisme, restituer à l'Église catholique les biens qu'il détient d'elle pour l'exercice de sa charge. Cette clause est la seule qui avantage les catholiques. En fait, la paix d'Augsbourg consacre l'échec final de la politique religieuse de Charles Quint dans l'Empire.

6.3. L'abdication

Constatant l'échec de tous ses projets – abaissement de la France, croisade contre le Turc, unité religieuse de l'Empire –, Charles Quint se retire. Il abdique pour ses possessions des Pays-Bas au cours du mois où est signée la paix d'Augsbourg (octobre 1555), puis pour l'Espagne le 16 janvier 1556. Enfin, le 12 septembre 1556, il transmet le titre impérial à son frère Ferdinand.

Il se retire alors en Estrémadure, à San Yuste, dans un monastère de l’ordre de Saint-Jérôme. Chez les hiéronymites, il médite sur la gloire passée et sur les devoirs de sa charge qu'il a eu à cœur de porter pour le bien de ses sujets et de la chrétienté. C'est là que meurt, le 21 septembre 1558, ce prince dont Montesquieu a dit que, « pour lui procurer un nouveau genre de grandeur, le monde s'étendit et que l'on vit paraître un monde nouveau sous son obéissance ».

7. L'Empire de Charles Quint : un empire ou des États ?

On peut se demander quels furent, pour chaque État de l'immense Empire, les résultats du règne de Charles Quint. Si l'on considère l'Espagne, il faut séparer la Castille et l'Aragon. Pour l'Aragon, il semble que son intérêt coïncidait mieux avec la politique impériale. Depuis longtemps, une tradition y prônait l'expansion en Méditerranée, et le royaume des Deux-Siciles avait une dynastie aragonaise depuis 1282. Cette politique impliquait presque inévitablement un conflit avec la France, riveraine de la Méditerranée, et qui avait elle aussi des vues sur l'Italie.

Par contre, la vocation castillane, plutôt orientée vers l'Atlantique, surtout depuis la découverte du Nouveau Monde, était favorable à un accord avec le roi de France. Aussi l'opinion en Castille était-elle défavorable à la politique de Charles Quint, et l'on en trouve des échos dans les lettres de l'impératrice, régente en Espagne durant les absences de son époux.

Charles Quint, plus que le monarque universel qu'un petit groupe d'administrateurs et lui-même se sont plu à imaginer, fut l'héritier qui réunit sous un même pouvoir des États dont les traditions comme les intérêts divergeaient. Cet Empire n'exista que dans sa personne, car il ne s'étayait même pas sur une administration commune ni, a fortiori, sur un système économique cohérent.

Après la mort de Gattinara, le poste de chancelier ne fut plus pourvu. Dès lors, l'administration releva de deux institutions distinctes ; l'une, espagnole, chargée sous Francisco de los Cobos (vers 1477-1547) de gouverner l'Espagne et l'Italie, l'autre qui avait la haute main sur les possessions du Nord et de la Franche-Comté sous l'autorité de Nicolas Perrenot de Granvelle (1486-1550).

Quant aux masses, pour autant qu'on puisse le savoir, il semble qu'elles furent étrangères à tout sentiment de solidarité.

Chronologie
  • 1516 Charles de Habsbourg (le futur Charles Quint) hérite des couronnes de Castille, d'Aragon et de Sicile.
  • 1519 Charles Quint succède à Maximilien Ier à la tête du Saint Empire.
  • 1525 Défaite de Pavie. Le roi de France François Ier prisonnier en Espagne. Il sera libéré l'année suivante.
  • 1527 Sac de Rome par l'empereur Charles Quint.
  • vers 1528-1560 Cathédrale de Grenade, par D. de Siloé.
  • 1529 Traité de Cambrai ou paix des Dames entre Louise de Savoie, au nom de François Ier, et Marguerite d'Autriche, pour l'empereur Charles Quint.
  • 1534-1535 Tunis, occupée par Khayr al-Din Barberousse, est reprise par Charles Quint.
  • 1555 Paix d'Augsbourg, qui consacre la division de l'Allemagne entre principautés catholiques et protestantes.
  • 1556 Abdication de l'empereur germanique Charles Quint, qui transmet le titre impérial à son frère Ferdinand.

 

Thomas Woodrow Wilson

.Homme d'État américain (Staunton, Virginie, 1856-Washington 1924).

Démocrate idéaliste, Thomas Woodrow Wilson rompt avec la tradition isolationniste américaine. En intervenant aux côtés des Alliés en 1917, le 28e président des États-Unis change le cours de la Première Guerre mondiale, avant de se faire le promoteur d'un projet de paix universelle. À la Conférence de la Paix (janvier 1919), il impose son programme en « quatorze points », fondé sur le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et la sécurité collective. Mais, s'il est le créateur de la Société des Nations (SDN), il ne peut obtenir l'adhésion de ses concitoyens à celle-ci.

Formation

Fils d'un pasteur presbytérien, il est élevé dans la rigueur. Après des études de droit à l'université de Princeton, il tente de devenir avocat à Atlanta. C'est un échec. Il se résigne alors à devenir enseignant.

Carrière universitaire

Élu, en 1902, président de l'université de Princeton, il renforce la valeur scientifique de l'université, s'efforce de donner davantage de chances aux étudiants pauvres et lutte contre les traditions conservatrices de certains de ses collègues. Il y révèle des talents d'administrateur et de battant qui le font connaître dans tous les États-Unis.

Premier mandat

Élu à la présidence des États-Unis en 1912, il poursuit le mouvement réformiste initié par Theodor Roosevelt ; il promeut une législation antitrust, crée la Réserve fédérale (la FED), fait interdire le travail des enfants, instaure la prohibition et accorde le droit de vote aux femmes.

Deuxième mandat

Réélu en 1916 sur le slogan « Il a nous a préservés de la guerre », Wilson le pacifiste est pourtant le président qui fait basculer son pays dans l'interventionnisme armé.

Fin de carrière

Triomphalement accueilli à Paris au lendemain de la victoire, il parvient à faire adopter lors de la signature du traité de paix de Versailles ses « quatorze points » et, en particulier, la création d'une Société des Nations. Il reçoit le prix Nobel de la Paix (1919) pour son action pendant la Première Guerre mondiale mais échoue à obtenir la ratification du traité par le Congrès américain et son pays n'adhère pas à la SDN.

1. La formation d'un universitaire progressiste

1.1. Une éducation rigoriste

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Thomas Woodrow Wilson

Parmi les ancêtres de Woodrow Wilson figurent des Anglais, des Écossais et des Irlandais. Son père, un pasteur presbytérien, et sa mère, elle-même fille de pasteur, ont imprégné son enfance d'une atmosphère religieuse : l'homme est un agent de Dieu ; il doit réaliser la mission divine pour laquelle il a été désigné, n'accepter aucun compromis avec le mal et se soumettre sans réticences aux lois morales. « La politique, écrira Woodrow Wilson, est une guerre où s'affrontent les causes ; c'est une joute de principes. »

1.2. Un pur produit de l'élite intellectuelle américaine

Le jeune Woodrow fait ses études supérieures à l'université de Princeton, puis se spécialise dans le droit à l'université de Virginie. Inscrit au barreau, il ouvre, en 1882, un cabinet à Atlanta, en Géorgie. Les clients sont peu nombreux, et le travail juridique ne passionne pas Wilson.

Il décide de reprendre ses études, cette fois-ci à l'université Johns Hopkins (Baltimore), où enseignent alors des maîtres de grande réputation et où il est le condisciple de Frederick Jackson Turner. En 1885, il soutient sa thèse de science politique sur « le gouvernement par le Congrès » (Congressional Government. A Study in American Politics).

1.3. L'universitaire progressiste (1885-1911)

Sa carrière d'enseignant commence à Bryn Mawr College en Pennsylvanie (1885-1888) et se poursuit à la Wesleyan University de Middletown dans le Connecticut (1888-1890), où il enseigne l'histoire. Il entre ensuite à Princeton pour devenir professeur de jurisprudence et d'économie politique. Ses cours sont largement suivis ; sa réputation universitaire s'étend à toute la côte est. Il publie des articles et des livres sur le système politique et l'histoire des États-Unis. En 1902, il accède à la présidence de l'université de Princeton.

Woodrow Wilson s'emploie immédiatement à réformer certains aspects de la vie universitaire. Il collecte des fonds importants auprès des anciens élèves et les utilise pour améliorer l'encadrement pédagogique ou réorganiser les cycles d'études. Lorsqu'il cherche à bouleverser le fonctionnement des clubs traditionnels des étudiants, il se heurte à de farouches résistances. Il passe désormais pour le champion de la démocratie dans l'université.

À une époque où le mouvement progressiste renouvelle la vie politique et s'efforce de réduire les inégalités économiques et de pallier les injustices sociales, Woodrow Wilson ne tarde pas à acquérir la célébrité. Les démocrates du New Jersey songent à en tirer parti : un jeune professeur, libéral mais point extrémiste, dépourvu d'expérience politique, ne devrait pas rester sourd aux conseils des professionnels de la « machine » et serait un remarquable porte-drapeau.

2. Le gouverneur du New Jersey (1911-1912)

Après avoir fréquenté pendant plus de trois ans des hommes d'affaires, des banquiers et des journalistes, las de combattre sans succès les conservateurs de Princeton, Woodrow Wilson franchit le pas en 1910. Il se présente à l'élection du gouverneur du New Jersey et la remporte.

Dès lors, son objectif prioritaire est de se débarrasser des puissants intérêts qui l'ont poussé et soutenu. Il se considère élu « sans engagements d'aucune sorte ». Il dénonce les « boss » et leur influence néfaste, fait passer les principes avant les hommes, défend l'intérêt général contre les intérêts spéciaux.

Dans le New Jersey, il promulgue des réformes importantes : une loi électorale, la répression de la corruption, l'assurance contre les accidents du travail, la réglementation des services publics.

Au sein du parti démocrate, privé du pouvoir depuis 1897, il est l'homme providentiel. Woodrow Wilson se porte candidat à la Maison-Blanche en 1912. Son programme, rédigé par un jeune avocat, Louis Brandeis (1856-1941), se résume en un slogan : New Freedom (la Nouvelle Liberté). Il exprime les revendications de la classe moyenne : les trusts pratiquent une concurrence déloyale et ruinent ceux qui tentent leur chance dans le commerce ou l'industrie ; il faut supprimer les abus, et non la libre entreprise. Or, soutiennent Brandeis et Wilson, les trusts sont si puissants que les détruire, c'est rendre le pouvoir au peuple. Le retour à l'Amérique d'hier sauvera l'Amérique d'aujourd'hui.

Face au président républicain William Howard Taft, qui est un partisan déterminé de l'immobilisme, au socialiste Eugène Victor Debs, qui fait peur, au progressiste Theodore Roosevelt, qui a rompu avec le parti républicain et songe à renforcer le gouvernement fédéral pour contrôler – et non pour anéantir – les trusts, Woodrow Wilson se situe dans le juste milieu. Profitant de la division de ses adversaires, il accède, avec environ 40 % des suffrages, à la magistrature suprême. Pour la première fois depuis la guerre de Sécession, un sudiste entre à la Maison-Blanche.

3. Le président des États-Unis (1913-1921)

3.1. Une ambitieuse politique réformiste

Entouré de personnalités bien choisies comme le « colonel » House ou William McAdoo, Woodrow Wilson commence par appliquer son programme réformiste. Il fait abaisser le tarif douanier (Underwood Tariff Act, 1913), met en vigueur l'amendement sur l'impôt sur le revenu et taxe les produits de luxe. Il élabore un projet de banque centrale (→ Federal Reserve System), qui comporte notamment la création de douze banques fédérales, mis en place par le Federal Reserve Act (1913). Pour faciliter l’obtention de crédits, le système bancaire est modifié en faveur des fermiers et des industriels. Une nouvelle législation antitrust satisfait le monde du travail et réglemente la concurrence déloyale (Clayton Antitrust Act, 1914).

En 1914, les réformes sont, semble-t-il, terminées. Il faut la perspective de l'élection présidentielle de 1916 pour qu'elles reprennent. Les employés fédéraux bénéficient d'assurances contre les accidents et leur journée de travail est limitée à huit heures ; le travail des enfants est très sévèrement contrôlé. Le président fait adopter un amendement à la Constitution (le 17e) stipulant que les sénateurs seront désormais élus au suffrage universel direct.

Si audacieux que soient les changements, tous les maux de la société américaine n'ont pas été supprimés. Les femmes, encore privées du droit de vote, les Noirs, soumis à la plus rigoureuse des ségrégations, les ouvriers spécialisés, dont le gouvernement fédéral se désintéresse, voilà les oublis les plus criants que les progressistes radicaux ne manquent pas de rappeler.

La croisade – pour employer le vocabulaire wilsonien – a pourtant réussi en partie, et, face aux républicains, qui ont refait leur unité, Woodrow Wilson parvient à obtenir sa réélection en 1916. Durant ce second mandat, il instaure la prohibition des boissons alcoolisées (octobre 1919) et accorde enfin le droit de vote aux femmes (1920).

3.2. Le rêve d'un nouvel ordre mondial

Sur la conduite de la politique étrangère, Woodrow Wilson a en 1913 des idées beaucoup moins précises : il lui arrive même de penser qu'elle n'entrera guère dans ses préoccupations. Rapidement, pourtant, il constate que son pays ne saurait vivre replié sur lui-même, maintenant qu'il occupe le premier rang des grandes puissances économiques. De l'Extrême-Orient à l'Europe en passant par l'Amérique latine, n'y a-t-il pas des principes à définir, un intérêt général à défendre et une « croisade » à entreprendre ? Woodrow Wilson s'en persuade aisément. Les États-Unis, juge-t-il, offrent au monde un exemple : leur démocratie est presque idéale ; leur organisation économique et sociale peut être améliorée, mais elle constitue dans l'ensemble une splendide réussite et assure la paix.

Woodrow Wilson n'est pas un doux rêveur, qui, inlassablement, poursuivrait des chimères. Il n'est pas davantage un Machiavel d'outre-Atlantique, préoccupé de dissimuler ses véritables intentions dans des discours hypocrites. Il croit ce qu'il dit et fait ce qu'il croit. Pour lui, l'Amérique remplit une mission : transformer le monde à son image. L'américanisation de la planète, voilà ce qu'il cherche à réaliser, d'une manière plus ou moins confuse jusqu'à 1917, beaucoup plus nettement au cours de son deuxième mandat. C'est ce qui explique les contradictions apparentes et les difficultés de sa politique extérieure.

Aidé par son secrétaire d'État, William Jennings Bryan – qui démissionne en juin 1915 –, le président Woodrow Wilson propose à trente nations un traité bilatéral de conciliation ; il annule les tarifs préférentiels que son pays s'était fait accorder dans l'administration du canal de Panamá ; il conseille, enfin, aux banquiers américains de quitter le consortium international en Chine et reconnaît le régime républicain de Sun Yat-sen.

3.3. Une diplomatie « missionnaire »

Les États-Unis doivent être une puissance juste et honnête ; il faut aussi qu'ils défendent leurs intérêts. Dans le même temps, en effet, Woodrow Wilson intervient en Amérique latine pour protéger la route du canal transocéanique : en 1915, les marines débarquent à Haïti ; l'année suivante, ils sont envoyés à Saint-Domingue. Tout compte fait, Woodrow Wilson a ordonné plus d'interventions militaires que Théodore Roosevelt. Les ingérences américaines dans les affaires du Mexique, une véritable diplomatie « missionnaire » a-t-on écrit, aboutissent à l'expédition punitive de 1916 et à des résultats limités pour Washington.

La même ambiguïté se manifeste à l'égard de l'Europe. De 1914 à 1917, les États-Unis restent neutres « en actes et en pensées », si l'on en croit leur président. Mais les sympathies des dirigeants américains vont à l'Entente ; le courant commercial tout autant que les prêts financiers favorisent le Royaume-Uni et la France.

Woodrow Wilson n'en poursuit pas moins son but : réconcilier les adversaires, imposer une médiation qui grandira l'influence internationale de son pays. Les belligérants font la sourde oreille. La reprise de la guerre sous-marine menée par les Allemands – celle-ci avait été suspendue après la mort de 118 citoyens américains dans le torpillage du paquebot Lusitania, le 7 mai 1915 – et les manœuvres allemandes pour entraîner le Mexique dans une guerre contre les États-Unis, obligent Woodrow Wilson à entrer dans le conflit. Les relations diplomatiques sont rompues avec l’Allemagne (3 février 1917), puis la guerre déclarée (6 avril 1917).

Avec les pleins pouvoirs qui s'attachent à la fonction d'un président américain en temps de guerre, il organise le contrôle des prix des matières premières agricoles et industrielles, celui des chemins de fer, et rétablit le service militaire obligatoire qui était aboli depuis la fin de la guerre de Sécession (1865). D'Amérique arrivent en Europe des dollars, des matières premières et des vivres dans la mesure où le tonnage est disponible ; il faudra plus d'un an, et c'est un miracle de rapidité, pour que les soldats américains (sous le commandement du général Pershing) commencent à jouer un rôle dans les tranchées.

3.4. Les « Quatorze points »

traité-versailles

Traité de Versailles

Réélu en 1916 sur un programme de paix, Woodrow Wilson a été contraint d'engager son pays dans une guerre totale. Il ne manque pas de distinguer soigneusement les buts de guerre américains des objectifs européens ; il est un associé, et non l'allié des Alliés, et le fait savoir par son discours des « Quatorze Points » prononcé le 8 janvier 1918 devant le Congrès :
– rejet de la diplomatie secrète,
– liberté de navigation,
– libre-échange,
– limitation des armements,
– indépendance de la Pologne,
– évacuation de la Russie,
– évacuation de la Roumanie, de la Serbie et du Monténégro,
– règlement des questions coloniales,
– retour de l'Alsace-Lorraine à la France, etc.

Le dernier point du programme, le plus connu, préconise la création de la Société des Nations (SDN).

Quand il vient en Europe pour négocier en personne les termes du traité de paix, il est pour les foules un héros, un sauveur, l'homme d'État qui empêchera le bouleversement que promettent les bolcheviks et le retour à l'ancien ordre des choses ; et la Société des Nations assurera la sécurité collective. Le prix Nobel de la paix lui est décerné en 1919.

3.5. Le désaveu

Pourtant, au terme d'une négociation longue et difficile, le traité de Versailles ne satisfait pleinement ni les Alliés ni les Américains : ceux-là se résignent, ceux-ci n'en veulent pas. Pour convaincre ses compatriotes, Woodrow Wilson entreprend en septembre 1919 une vaste campagne d'opinion : frappé d'hémiplégie, il doit cesser le combat. Sa maladie, son obstination croissante, un entourage trop prévenant l'empêchent de faire les concessions nécessaires, et le Congrès lui inflige un terrible désaveu en rejetant le traité et le pacte de la Société des Nations. C'est un homme physiquement et moralement épuisé qui cède le pouvoir en 1921 aux républicains, et plus particulièrement au président Warren Harding, qui a les mains libres pour renouer avec l'isolationnisme.

Chronologie
  • 1915 Occupation d'Haïti par les Américains.
  • 1917 Les Portoricains reçoivent la citoyenneté américaine.
  • 1917 Les États-Unis et le Brésil déclarent la guerre à l'Allemagne (avril).
  • 1918 Les « 14 points » du président T. W. Wilson définissent les buts de guerre des Alliés (8 janvier).
  • 1919 Le président T. W. Wilson ne peut entraîner les États-Unis dans une politique européenne ; le Congrès refuse de reconnaître le traité de Versailles et de faire partie de la S.D.N. (1920). Prohibition de l'alcool.

 

 

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